En Guadeloupe, les cimetières privés et familiaux, une tradition sous contrainte

Sur les reliefs verdoyants de Guadeloupe, les cimetières familiaux perpétuent une tradition séculaire. Mais ces lieux de mémoire, nés sur les anciennes habitations esclavagistes, sont aujourd’hui fragilisés par l’urbanisation et le durcissement des réglementations.

La pente est rude et escarpée pour grimper le morne (petite montagne) de la section Boisvin, dans la commune des Abymes. Mais à l’arrivée, un peu essoufflé, la vue est imprenable sur les vallons campagnards de la région des Grands Fonds.

« D’ici on peut voir plusieurs cimetières familiaux », explique Christelle Roussas, présidente de l’association Plato la Kaz, qui gère un cimetière privé comme il en existe des dizaines en Guadeloupe, héritage d’un passé où l’on enterrait les morts des habitations esclavagistes sur place.

« Un patrimoine », insiste Christelle Roussas, dont le cimetière est entouré d’un grillage et regroupe, à l’ombre de deux immenses arbres, une vingtaine de tombes. La majorité est faite de gros cailloux de calcaire, surmontées de croix de bois et de fleurs synthétiques.

« Pour monter les cercueils jusqu’ici, on doit avoir plusieurs porteurs qui se relaient », note la jeune femme. « Une fois, un service de pompes funèbres nous a mis à disposition un 4x4 », sourit-elle.

Peu de tombes sont marquées et parfois, on ne sait plus trop qui y est enterré, notamment pour les plus anciennes. « Ma grand-mère, qui repose ici, a vécu jusqu’à 100 ans et avait la mémoire des occupants des tombes, qu’elle m’a transmise en partie », poursuit Mme Roussas. « Je n’ai jamais manqué une fête de la Toussaint. »

Cette fête religieuse reste une tradition très suivie en Guadeloupe. Quelques jours avant le 1er novembre, les familles se regroupent dans les cimetières, armées de balais et de peinture pour rénover les tombes des ancêtres, souvent carrelées en noir et blanc.

Parfois, on fait aussi « djober » des jeunes gens, payés pour effectuer le travail d’entretien et de décoration. Et le soir de la Toussaint, des milliers de bougies rouges s’allument dans tous les cimetières. On s’y retrouve, on y boit, on y mange. On peut aussi y taper un « coup de tambour ».

« Chez nous, on termine vers deux ou trois heures du matin », rigole Alain Fleurival, également propriétaire d’un cimetière familial aux Abymes, qui en compte pas moins de trente-huit.

Le sien est pris en étau entre la route et un morne. Il compte quatorze caveaux et presque autant de sépultures de pierre, très anciennes. Mais « cette année, une cousine est décédée et on nous a dit que ce n’était pas possible de l’inhumer ici », déplore le septuagénaire, qui a donc dû payer une concession au cimetière communal.

Cette restriction illustre un phénomène croissant : le durcissement des conditions d’inhumation dans les cimetières familiaux. Le sien avait pourtant subi la visite d’un hydrogéologue, condition obligatoire pour que les permis soient délivrés par la préfecture, qui, depuis quelques années, ne transige plus.

« Ce qui pêche, souvent, c’est la distance des habitations », souligne Jimmy Jalton, à la tête d’une entreprise de pompes funèbres, qui précise recevoir « une trentaine de demandes d’inhumation par an, dont à peine 25 % aboutissent ».

Pour qu’une inhumation ait lieu, elle doit pouvoir se faire à 35 mètres des habitations. Sauf que des constructions sauvages ou des permis de construire ont inexorablement rapproché les maisons. À cela s’ajoute la situation fréquente de terrains en indivision, qui complique les démarches en cas de conflit familial.

« Aux Abymes, seuls six ou sept cimetières privés restent capables d’accueillir des inhumations », reprend Jimmy Jalton.

Un problème car la commune la plus peuplée de Guadeloupe héberge aussi le centre hospitalier de l’archipel.

« Nous sommes tenus d’inhumer toutes les personnes qui décèdent sur notre territoire », rappelle Garry Gladone, chef du service des cimetières à la mairie, pour lequel les sépultures familiales sont un renfort bienvenu.

Car, comme de nombreux cimetières communaux guadeloupéens, celui des Abymes est saturé. Au point que certaines dépouilles patientent parfois de longs mois à la morgue du CHU, faute de place.

« On recommande aux familles d’anticiper la dernière demeure, de mettre leur cimetière aux normes, ou d’envisager d’autres lieux de repos », prévient Jimmy Jalton. « C’est la meilleure solution pour éviter de contrevenir aux dernières volontés des défunts. »


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