À Mayotte, deux semaines et demi après le passage dévastateur du cyclone, les bidonvilles réapparaissent. Chaque coup de marteau enfonce un peu plus la promesse de François Bayrou “d’empêcher la reconstruction” de ces habitats précaires où vit un tiers de la population.
Depuis plusieurs jours, le bruit sourd des outils résonne dans le quartier de cases de Cavani Sud, qui s’étale sur des kilomètres à flanc de colline, sur la Grande-Terre. Des hommes transportent des tasseaux de bois aux clous rouillés, une femme remplit des sacs de ciment assise au sol, des voisins trient les décombres et inspectent chaque débris sous un soleil accablant.
Le 14 décembre, le cyclone Chido avait balayé les logements précaires de Cavani Sud, un quartier de Mamoudzou, le chef-lieu de l’archipel. Mais, parmi les déchets éparpillés – appareils électroménagers éclatés, tissus déchirés, jouets d’enfants, matelas défoncés –, les habitations grises en tôle se relèvent. Pour les édifier dans l’urgence, le système D est poussé à son paroxysme, rendant ces maisons encore plus précaires et dangereuses.
Dans la décharge informelle du terre-plein de M’tsapéré, village au sud de Mamoudzou, les habitants fouillent des monticules de déchets et repartent avec du matériel de construction en mauvais état. Soubira Attoumani, 41 ans, reconstruit sa maison avec son frère à Cavani Sud. “Elle est moins résistante que celle qui était là avant”, soupire-t-il, en désignant les tôles de couleurs différentes. “Certaines sont d’origine, d’autres ont été récupérées, d’autres achetées.”
“Avant, on pouvait choisir où et comment on construisait. Aujourd’hui, c’est fait dans la précipitation”, explique-t-il. Abdou Ansoirdine, un boulanger, confirme : “C’était mieux avant, quand tout était neuf.” Il raconte avoir dépensé 400 euros pour acheter “27 tôles”, mais avoir dû compléter avec du matériel de récupération pris “à gauche, à droite”. Chaher, lui, a “mis deux jours” pour reconstruire la maison familiale détruite par le cyclone. Fièrement, il montre les panneaux solaires sur le toit, qui lui procurent une électricité précieuse sur une île où le réseau reste défaillant depuis le passage de Chido.
Les habitants bricolent pour ne pas “dormir dehors”, explique Youssoufi Said, qui a dû utiliser du bois plutôt que de la tôle. “L’urgence, c’est de s’abriter avant la saison des pluies, puisqu’il n’y a pas de solutions proposées par l’État”, déplore Soubira Attoumani.
Lors de sa visite à Mayotte en début de semaine, François Bayrou avait promis “d’empêcher la reconstruction” des bidonvilles, sans préciser où leurs habitants – un tiers de la population – seraient relogés. Interrogé à La Réunion sur les baraquements déjà reconstruits, le Premier ministre a déclaré : “On va évidemment intervenir. Mais il faut trouver des centres d’accueil. Ça ne se fait pas en claquant des doigts. Mais l’État a la responsabilité de dire +ceci n’est pas acceptable+.”
Il a également ajouté : “De même qu’il n’est pas acceptable de se retrouver à Mayotte avec une immigration absolument incontrôlée.” Le sujet, selon lui, est “extrêmement difficile”, en raison de la proximité géographique et culturelle avec les Comores.
Le problème des bidonvilles dépasse la seule question migratoire. “Un quart des Français de Mayotte vivent dans des maisons en tôle”, rappelle le chercheur Cyrille Hanappe dans son étude de 2023 À Mayotte, des politiques de délogement sans relogement.
Le projet de loi “d’urgence” pour Mayotte, qui devrait inclure des mesures sur la résorption de l’habitat précaire, sera présenté en Conseil des ministres la semaine prochaine.
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