Accès à l’électricité, à internet… : "les attentes sont colossales sur le continent" africain, affirme le PDG du groupe multinational Axian, Hassanein Hiridjee, à l’heure où, de Madagascar au Maroc, la jeunesse se révolte pour réclamer un accès aux services de base.
"Les jeunes Africains veulent être connectés, ils veulent être électrifiés. Ça prendra du temps, mais on peut y arriver", assure M. Hiridjee. Son groupe familial Axian est présent dans 18 pays d’Afrique et de l’océan Indien, des télécoms à l’énergie en passant par les paiements mobiles. "L’accès à l’énergie, c’est l’équation qu’on doit régler absolument", affirme l’ambitieux patron franco-malgache de 50 ans.
Hassanein Hiridjee, qui partage sa vie entre le continent africain et Paris et fait partie des plus grosses fortunes d’Afrique francophone, l’admet : "il y a un ras-le-bol général", et "tout le monde est d’accord sur le constat, la légitimité" des attentes exprimées dans son pays, l’un des plus pauvres au monde malgré ses immenses ressources naturelles. Seule 15 % de la population rurale est raccordée au réseau national d’électricité et Madagascar est secouée depuis le 25 septembre par des manifestations, dont les revendications initiales portaient sur les coupures incessantes d’eau et d’électricité.
"Il est important que cela se fasse dans le calme, la paix sociale", souligne-t-il, en déplorant les pillages et les actes de vandalisme menés en marge de la contestation – par des individus et des gangs sans lien avec les manifestants, d’après l’ONU. Le secteur privé doit "être au rendez-vous des promesses" pour "accompagner le développement", mais aussi "être protégé", dit le patron d’Axian, dont le chiffre d’affaires atteignait 2,7 milliards de dollars en 2024. "Le pays est fragile. On n’a pas besoin de crise en ce moment."
Le groupe qu’il dirige, devenu un acteur incontournable de l’électricité à Madagascar, a beaucoup investi dans ce secteur ces dernières années. Il porte notamment, avec le Français EDF et la plateforme panafricaine d’investissement Africa 50, le projet de barrage de Volobe, l’un des deux projets hydroélectriques du pays (120 mégawatts) estimé à 670 millions de dollars et dans les tuyaux depuis une dizaine d’années.
- "Aller plus vite" -
"On a mis du temps à le développer (...) mais il va se réaliser", dit-il, espérant "livrer le premier kilowattheure d’ici à 2030". Les tarifs négociés devraient selon lui permettre à la compagnie nationale de distribution d’eau et d’électricité (Jirama) de ne plus vendre à perte, la régulation l’obligeant à proposer des prix plus bas que ce qu’elle achète à ses fournisseurs. Entre scandales, déficits dantesques et infrastructures vieillissantes, la Jirama symbolise la mauvaise gestion publique décriée dans la rue par une jeunesse confrontée aux pénuries à répétition.
Face au défi d’atteindre les foyers ruraux, souvent éloignés du réseau public, les opérateurs privés comme Axian développent des alternatives "décentralisées" comme les mini-grids, des réseaux indépendants permettant à des villages de se connecter notamment grâce au solaire. "Ce sont plus d’un demi-million de personnes maintenant qui, tous les jours, ont accès à de l’énergie", assure M. Hiridjee. "Aujourd’hui, mon client à Madagascar, dans son village, il va sur son téléphone 2G, il choisit un tarif plan à la journée, à la semaine, au mois. Et il a son petit coupon qui sort. C’est un truc de dingue."
L’entrepreneur, qui multiplie avec sa filiale Axian Energy les rachats de sociétés et les nouveaux chantiers sur le continent – centrales solaires en construction au Bénin, au Sénégal... – voudrait "aller plus vite". "Les solutions techniques, on les a, mais on a besoin d’une mobilisation plus active (...) des bailleurs de fonds", dit-il, pointant le dilemme récurrent du financement en Afrique, où les taux d’intérêt sont souvent exorbitants.
"Nous sommes ceux qui avons le coût de la dette le plus fort" en raison d’une "perception du risque souvent exagérée", dit-il. Or, "on ne peut pas avoir des prix compétitifs pour les populations qui n’ont pas de pouvoir d’achat si on paye des taux d’intérêt à 12 %".
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