"Signe fort" ou "énième plan" pour le département le plus pauvre de France ? Le projet de loi-programme du gouvernement pour "refonder" Mayotte a commencé mardi son examen en commission à l’Assemblée nationale.
Six mois après le passage du cyclone Chido, et l’adoption mi-février d’une loi d’urgence de reconstruction, l’Assemblée nationale se penche de nouveau sur l’archipel, avec un texte élaboré pour le "redéfinir", selon le ministre des Outre-mer Manuel Valls. "Car si le cyclone a ravagé Mayotte, il a surtout révélé et exacerbé les difficultés structurelles qui existaient déjà", a souligné le ministre lors de son audition mardi devant les commissions des Lois et des Affaires économiques.
Adopté largement par le Sénat, le texte est "très attendu" par les Mahorais qui s’inquiètent cependant d’un "énième plan" pour redresser Mayotte avec des promesses en l’air ou en trompe-l’œil, ont alerté plusieurs députés, comme Philippe Naillet (socialiste) ou Anchya Bamana (Rassemblement national).
Eau, éducation, santé, sécurité, immigration, habitat informel… Le projet de loi, qui sera débattu à partir du 23 juin dans l’hémicycle, entend s’attaquer à tous les grands défis du 101e département français. Avec une promesse d’ordre financier : débloquer "près de quatre milliards d’euros" sur sept ans, a rappelé M. Valls.
Moins de six mois après la loi de reconstruction, "c’est un signe très fort que l’on fait passer" avec cette loi, selon le rapporteur général, le député MoDem Philippe Vigier.
Comme au Sénat, c’est le volet migratoire et sécuritaire qui devrait susciter le plus de débats. La lutte contre l’immigration clandestine a en effet été érigée en priorité par le gouvernement, face à l’afflux massif d’étrangers en situation irrégulière, venus notamment des Comores voisines.
- Convergence sociale -
Quitte à remettre fortement en cause le droit du sol, qui est la règle en France. Le texte durcit en effet les conditions d’accès au séjour, centralise les reconnaissances de paternité à Mamoudzou et augmente les peines pour reconnaissance frauduleuse de paternité. Il facilite aussi les expulsions de bidonvilles. En matière de sécurité, il prévoit des dispositions spécifiques : renforcement des contrôles sur les armes, lutte accrue contre l’emploi d’étrangers sans titre et retrait possible des titres de séjour aux parents d’enfants considérés comme menaçant l’ordre public.
De quoi susciter l’indignation de la Défenseure des droits Claire Hédon qui a demandé vendredi d’abandonner ou réviser certaines mesures d’un texte qui "porte atteinte à certains droits parmi les plus fondamentaux". Ce texte est une "véritable honte" et "ne règlera rien", a dénoncé mardi Aurélien Taché (LFI). Mayotte est "une nouvelle fois sacrifiée sur l’autel de l’obsession migratoire du gouvernement et sur sa volonté de faire de l’archipel un laboratoire de destruction du droit commun", a-t-il fustigé.
À l’inverse, pour la députée RN de Mayotte, Anchya Bamana, "tant que la vague migratoire ne s’arrêtera pas (...) tout plan sera vain". Le texte contient des volets économiques et sociaux, dont la création d’une zone franche globale – avec des abattements fiscaux à 100 % –, et la perspective, d’ici 2031, d’une "convergence sociale", soit une harmonisation de certaines prestations sociales entre l’Hexagone et l’archipel.
"Vous continuez à parler de convergence sociale là où les Mahorais revendiquent l’alignement des droits sociaux" sans attendre, a lancé Mme Bamana, dénonçant une convergence déjà reportée par le passé. "Ce projet de loi apparaît comme une manœuvre de reconditionnement de promesses non tenues, sans réelle ambition ni engagements financiers inédits", a-t-elle fustigé.
Les commissions des Lois, des Affaires économiques et des Finances commenceront chacune l’examen de différents articles mercredi matin.
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