Des habitants résignés face à la démolition de leur quartier insalubre

© Communaute d'Agglomeration Cap Excellence

Les bulldozers sont à l'œuvre à Vieux-Bourg, un quartier des Abymes, en Guadeloupe : ils "écrasent" les maisons, déclarées insalubres par les autorités. L'opération, censée transformer le quartier, soulève inquiétudes, souvenirs et résistances.

Dans les ruelles étroites de Vieux-Bourg, les eaux ruissellent le long des maisons. À même le sol, carcasses de vélos et vieilles tôles s'amoncellent autour de plantes qui poussent dans la poussière. Sur les murs de plusieurs bâtisses en tôles et en bois, plus rarement en béton, un "avis de démolition" annonce la fin imminente. Ce quartier emblématique de Guadeloupe fait l'objet d'un vaste projet de renouvellement urbain porté par la communauté d'agglomération Cap Excellence, annoncé fin 2024 après un classement en zone insalubre par la préfecture. La préfecture évalue à 35.000 le nombre de logements indignes en Guadeloupe, soit 15 % des résidences principales.

À Vieux-Bourg, 160 maisons doivent être rasées, certaines déjà inhabitées. Soixante-cinq habitants seront relogés dans un premier temps, selon l'Établissement public foncier de Guadeloupe, chargé de racheter les parcelles. D'autres le seront plus tard – le projet s'étale sur deux ans, 84 familles étant concernées. "Des procédures d'expropriation sont en cours sur les 10 hectares concernés", explique sa directrice, Corine Vingataramin. Mais la situation foncière est complexe. Nombre d'habitants vivent ici depuis des générations sans titre de propriété. L'indivision rend les démarches longues et parfois conflictuelles. Les bulldozers, eux, avancent. 

"Fin 2024, on a reçu un courrier de la préfecture qui nous enjoint de partir", raconte Célina Mennock, la présidente de l'Association des habitants de Vieux-Bourg. "Malgré les réunions, la question du relogement n'est pas réglée. Le démarrage des démolitions crée le sentiment d'être mis devant le fait accompli", ajoute-t-elle.

- Paradoxes guadeloupéens -

C'est le cas pour Georgette Sainte-Rose, 78 ans, installée dans le quartier depuis 1975. "Quand je suis arrivée, on parlait déjà d'écraser nos maisons (...) Aujourd'hui, rien n'est prévu pour nous reloger. Tout ça c'est du blablabla", peste-t-elle en créole. Elle ne nie pas les problèmes du quartier : insalubrité, délinquance, délabrement. "Mais ici, dit-elle, c'est ma maison". Elle évoque la solidarité entre voisins qui règne depuis "nanni nannan" (la nuit des temps en créole), la vie de quartier et le jardin nourricier qu'elle cultive avec un voisin : aubergines, christophines, plantes médicinales.

"Tout le monde en profite", sourit Gitane Dragin, 68 ans, voisine et amie de Georgette. Elle aussi redoute un départ. "Mon cardiologue est à côté. Si je suis relogée loin, comment pourrais-je venir ?" s'interroge-t-elle. Installé dans une minuscule échoppe en bois, Caliste Harry est le cordonnier du quartier. "Dans les années 1960, il y avait une usine de sucre ici, beaucoup d'activité économique", se souvient-il.

Les crises économiques, la fermeture des sites et les changements de population ont provoqué la dégradation du quartier. À 70 ans, il travaille toujours, comme beaucoup d'habitants aux petites retraites et aux carrières hachées. On lui a proposé d'installer sa boutique à Pointe-à-Pitre, mais il n'est pas séduit. "Cette rue est souvent cambriolée", assure-t-il. Et devoir payer un loyer ne l'enchante pas.

Comme lui, beaucoup se disent propriétaires, sans avoir de titre, mais avec une mémoire forte du lieu. D'autant que la question de l'indemnisation reste sensible. "On a laissé l'habitat se dégrader, ça ne vaut plus rien", regrette Marlène Quimpert, une membre de l'association des habitants. "Ça revient à chiffrer le vécu des gens du quartier", a-t-elle souligné auprès de Valérie Létard, la ministre du Logement, venue visiter ce quartier dont la reconstruction est présentée comme un modèle.

"Ce qu'on fait ici, c'est de la dentelle, du cas par cas", a répondu la ministre, promettant une réponse "adaptée". Car ce projet mené avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) est censé inspirer d'autres réhabilitations, dans un territoire où les grands ensembles d'habitat insalubre sont une réalité de tous les jours. Aucune solution ne sera "totalement satisfaisante", admet Célina Mennock : "On se résigne, on part, et on fera le deuil après".


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