La situation restait tendue mardi en Martinique, où le couvre-feu nocturne est prolongé jusqu'au 21 octobre, après les violences urbaines de ces derniers jours et sur fond d'enlisement des négociations contre la vie chère.
Le couvre-feu de 21H00 à 05H00 sur toute l'île a été instauré le 10 octobre après de premières nuits d'émeutes. "Cette mesure exceptionnelle" visant "à garantir la sécurité des personnes et des biens dans le contexte actuel d'atteintes graves à l'ordre public" est prolongée jusqu'au 21 octobre et le sera "autant que nécessaire", a annoncé lundi la préfecture de Martinique dans un communiqué.
Elle a néanmoins fait état d'une "nette diminution" des "exactions" et "blocages", liés à la mobilisation contre la vie chère. La nuit de lundi à mardi a encore été globalement calme. Concernant le couvre-feu, seules "des exceptions à l'interdiction de circuler seront tolérées pour des motifs impérieux de santé et dans le cadre des activités professionnelles", a précisé la préfecture.
Celle-ci a également prolongé l'interdiction de l'achat, la vente et le transport au détail de carburant et produits explosifs, ainsi que "l'utilisation d'artifices" et autres articles pyrotechniques. L'île antillaise de près de 350.000 habitants est en proie depuis début septembre à une mobilisation sociale qui a dégénéré en violences urbaines contre le prix des produits alimentaires, 40% plus chers que dans l'Hexagone. "Aucun incident notable" n'a été relevé par la police et la gendarmerie au cours des dernières 48 heures, a indiqué la préfecture plus tôt lundi.
"Les opérations de levée des barrages et de nettoyage des voies se poursuivent à un bon rythme" et "l'approvisionnement en carburant dans les stations-service s'effectue désormais dans des conditions normales", a-t-elle précisé.
L'académie de Martinique a annoncé lundi le "retour progressif des enseignements en présentiel" dans tous les établissements du primaire et du secondaire à compter de mardi "si le contexte sécuritaire demeure favorable".
- Dégâts "irréversibles" -
Des actions de protestation continuent d'être organisées, à l'image d'une opération escargot baptisée Molokoï, une tortue locale, à l'initiative de la CGT-Martinique, qui a réuni quelques participants. "Nous appelons le gouvernement à entendre le cri des Martiniquais", a expliqué Marcel Rose Adelaide, militant CGT, assurant que "la population est chaud bouillante". "Ce n'est que lorsque ça bouge, qu'il y a le feu partout, qu'on voit le gouvernement s'intéresser à nous", a-t-il ajouté, regrettant l'annulation d'une septième réunion de négociations.
Prévue mardi, la septième table ronde entre l'Etat et les acteurs locaux (militants, grande distributions, élus) pour faire baisser le coût de la vie n'aura en effet pas lieu faute de "nouvelle proposition concrète et viable", selon le président du conseil exécutif de Martinique, Serge Letchimy. En réaction, le collectif militant Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC) a rappelé que "24 points sur 26 ont été actés" mais que "les deux points restants non négociés avec la grande distribution sont le résultat d'un refus collectif du peuple".
"Aucune concession ne sera faite à ceux qui n'ont jamais fait preuve de bonne volonté envers le pouvoir d'achat des Martiniquais", a déclaré le RPPRAC dans un communiqué, affirmant son intention "de poursuivre ses rassemblements contre la +vie chère+".
"Il y a trois étapes : la première les pillages; si ça dure les destructions; et si ça continue, c'est la traque de ceux qu'on pense ou qu'on désigne comme ennemis. On a déjà passé deux étapes. J'espère qu'ils seront raisonnables, parce que quand on arrive à la troisième étape (...) les dégâts sont irréversibles", avait averti plus tôt lundi le dirigeant du RPPRAC, Rodrigue Petitot.
"On est un peuple qui revendique légitimement le droit à l'accès à la nourriture à des prix respectueux, et tout ce qu'on nous donne jusqu'à présent, c'est une répression" avait-il ajouté. Le RPPRAC réclame que les distributeurs s'engagent à ne pas dépasser un certain différentiel de prix sur "tout l'alimentaire" alors que le document de travail actuel évoque seulement 54 familles de produits concernées.
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