Plus de 100.000 Réunionnais ont été contaminés par le virus du chikungunya depuis le début de l’année, a estimé le directeur de l’Agence régionale de santé (ARS), malgré des chiffres officiels bien inférieurs. "Je pense que nous avons franchi, depuis le début de l’épidémie, les plus de 100.000 Réunionnais touchés par le virus", a affirmé lundi Gérard Cotellon lors de la présentation d’un "plan d’action global contre le moustique" par la mairie de Saint-Denis. Selon Santé publique France, 27.521 cas ont été recensés depuis janvier. Mais ces chiffres seraient largement sous-estimés.
"On tourne autour de 6.000 à 7.000 cas par semaine, mais c’est un chiffre (...) qui est à mon avis faux", a insisté M. Cotellon, expliquant cette différence par le fait que tous les malades ne se font pas dépister. Selon le directeur de l’ARS, "nous avons dans les cabinets de médecins généralistes aux alentours de 22.000 consultations par semaine pour des symptômes similaires au chikungunya".
En visite dans l’île début avril, le ministre des Outre-mer Manuel Valls avait évoqué jusqu’à 70.000 personnes atteintes par le virus, en tenant compte des cas non déclarés. Gérard Cotellon a par ailleurs affirmé que "le pic n’a pas encore été atteint", bien que les autorités sanitaires disent s’attendre à un pic épidémique mi-avril. En rapport avec cette augmentation des cas, le directeur de la santé à la Caisse générale de Sécurité sociale de La Réunion (CGSS), Thierry Bies, a indiqué que "12.186 arrêts maladies ont été enregistrés" la semaine du 7 au 13 avril sur l’île.
Sans pouvoir assurer que ces arrêts maladie sont spécifiquement liés au chikungunya, il a précisé qu’à titre de comparaison, les arrêts maladie la semaine du 10 mars – alors que l’épidémie était bien moins active – étaient au nombre de 5.847. L’épidémie est "généralisée et majeure" et "poursuit sa progression", a souligné la semaine dernière Santé publique France. Deux décès de personnes âgées de plus de 75 ans ont été directement attribués au chikungunya, mais la situation sanitaire reste moins préoccupante qu’en 2005-2006, quand elle avait touché 260.000 personnes et fait plus de 200 morts.
Chikungunya à La Réunion : six décès, mais une amorce de recul de l’épidémie
Six décès liés au chikungunya ont été recensés depuis le début de l’année à La Réunion, selon les autorités sanitaires, qui notent une amorce de baisse de l’épidémie sur l’île, où plus de 100.000 personnes pourraient avoir été infectées. "Depuis le début de l’année, six décès survenus entre les semaines 11 et 13 (du 10 au 30 mars) chez des personnes de plus de 70 ans porteuses de comorbidités ont été classés comme liés au chikungunya", a indiqué Santé publique France dans son bulletin hebdomadaire de surveillance épidémiologique.
L’agence sanitaire précise que plusieurs autres décès sont en cours d’investigation "quant à l’imputabilité du virus". Le précédent bilan faisait état de deux morts liés à ce virus transmis par le moustique tigre, qui entraîne de fortes fièvres et des douleurs articulaires. "L’épidémie est toujours en cours avec 4.913 cas confirmés" pour la semaine du 31 mars au 6 avril, contre près de 6.300 la semaine précédente, mais les consultations en médecine de ville et les passages aux urgences "amorcent une baisse", note Santé publique France.
L’agence appelle toutefois à la prudence. "Un recul de deux semaines supplémentaires est nécessaire pour confirmer ou non le passage du pic épidémique", précise-t-elle. Depuis le début de l’année, plus de 33.000 cas ont été confirmés, mais le nombre réel est considéré comme beaucoup plus élevé, beaucoup de malades ne se faisant pas dépister.
Selon le directeur de l’ARS de La Réunion, Gérard Cotellon, "plus de 100.000" personnes pourraient avoir été touchées dans l’île de l’océan Indien, qui compte 900.000 habitants.
– Le vaccin pour "éviter les cas graves" –
Depuis la reprise de l’épidémie en août 2024, 224 hospitalisations de plus de 24 heures ont été recensées sur l’île. Parmi ces cas, un quart des patients avait moins de six mois, et 46 % plus de 65 ans, selon Santé publique France, qui ajoute que 41 "cas graves" ont été enregistrés.
La région méridionale de l’île, la plus touchée par l’épidémie, montre toutefois des signes de répit : l’activité des urgences du CHU Sud a chuté de 22 %, même si celles-ci représentent toujours la majorité des passages aux urgences. Face à l’épidémie, une campagne de vaccination a été lancée le 7 avril par le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, lors d’un déplacement à La Réunion.
Les 40.000 premières doses du vaccin Ixchiq du groupe pharmaceutique Valneva, le premier vaccin ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché en Europe, sont destinées aux personnes de 65 ans et plus présentant des comorbidités, qui peuvent se faire vacciner gratuitement. Vu son démarrage tardif par rapport à l’avancée de l’épidémie, "la campagne de vaccination actuelle ne jouera pas le rôle d’arrêt de transmission" mais "va éviter des cas graves", a estimé Patrick Mavingui, directeur de recherche CNRS.
Olivier Schwartz, responsable de l’unité Virus et immunité à l’Institut Pasteur, a indiqué mardi au cours d’une conférence de presse que "les modèles tendent à montrer que le pic épidémique sera atteint dans les jours prochains". Initialement, les autorités sanitaires avaient prédit un pic immunitaire pour mi-avril. Avant cette épidémie, déclenchée en août 2024 mais qui a explosé en 2025, aucun cas de chikungunya n’avait été signalé à La Réunion depuis 2010.
Si elle est considérée comme "généralisée et majeure" par Santé publique France, l’épidémie actuelle a toutefois un impact sanitaire moindre que durant la grande épidémie de 2005-2006. "En 2005, 266.000 personnes, soit 40 % de la population, avaient été touchées. On avait déploré plus de 250 décès et une quarantaine de transmissions maternelles du virus", a rappelé Anna-Bella Failloux, responsable de l’unité arbovirus de Pasteur, qui avait fait partie de la task-force envoyée alors dans l’île.
0 COMMENTAIRE(S)