Plus de deux jours après le passage dévastateur et meurtrier du cyclone Chido, les secours s’organisent pour retrouver des survivants dans les décombres à Mayotte, archipel meurtri où les premières évacuations ont eu lieu lundi et où Emmanuel Macron, qui va décréter “un deuil national”, se rendra “dans les prochains jours”.
“Il s’agit de faire face aux urgences et de commencer à préparer l’avenir”, a dit le président sur X après une réunion gouvernementale de crise. “Face à cette tragédie qui bouleverse chacun de nous, je décréterai un deuil national”, a-t-il ajouté.
Les autorités ont effectué lundi soir “25 premières évacuations” de patients vers La Réunion, a annoncé la ministre de la Santé démissionnaire Geneviève Darrieussecq à l’AFP.
“L’île est complètement dévastée. L’habitat précaire, les bidonvilles, il n’en reste plus rien”, a déclaré lundi soir le ministre démissionnaire de l’Intérieur Bruno Retailleau, de retour à la Réunion après une visite “au coeur du désastre” à Mayotte, au côté notamment de son collègue des Outre-mer François-Noël Buffet.
Les autorités redoutent “plusieurs centaines” de morts, peut-être “quelques milliers”, mais M. Retailleau s’est refusé à tout “pronostic”, soulignant qu’il “faudra des jours et des jours” avant d’avoir un réel bilan. Le décompte est compliqué par le fait que Mayotte est une terre de forte tradition musulmane et que, selon les rites de l’islam, de nombreux défunts ont vraisemblablement été enterrés dans les 24 heures suivant leur décès.
- “Bidonvilles couchés” -
Pour l’heure, les autorités dénombrent officiellement 21 morts à l’hôpital et le préfet local a mis sur pied une “mission de recherche des morts”.
“Tous les bidonvilles sont couchés, ce qui laisse augurer un nombre considérable de victimes”, a commenté auprès de l’AFP une source proche des autorités.
Mayotte, département le plus pauvre de France, compte officiellement 320.000 habitants, “mais on estime qu’il y a 100.000 à 200.000 personnes de plus, compte tenu de l’immigration illégale”, a ajouté cette source, qui estime que peu d’habitants en situation irrégulière ont rejoint les centres d’hébergement avant le passage du cyclone, “sans doute de peur d’être contrôlés”.
Devant les députés, le ministre démissionnaire de l’Économie Antoine Armand s’est engagé à présenter des mesures “pour assurer la continuité de l’État et venir en aide le plus vite possible” aux Mahorais. La priorité, a insisté Bruno Retailleau, consiste à répondre aux “besoins vitaux” en “eau et nourriture”. À cet égard, 50% de l’eau courante sera rétablie dans les 48 heures, assurent ses services.
- “Exceptionnel” -
“Le secteur des télécoms est lourdement impacté par la tempête”, avec une grande partie de l’archipel sans réseau pourtant “prioritaire pour permettre la sécurité et la reprise économique”, a déploré le ministre démissionnaire de l’Industrie, Marc Ferracci.
De “nombreuses entreprises” ont subi des dégâts catastrophiques, s’inquiète le Medef, évoquant des “pertes financières significatives” pour certaines alors que d’autres sont “en proie au pillage”. Le Medef et les syndicats patronaux représentatifs, la CPME et l’U2P, réclament des mesures urgentes de soutien au tissu économique.
Avec des rafales de vent à plus de 220 km/h, Chido est le cyclone le plus destructeur à Mayotte depuis 90 ans. Les cyclones se développent habituellement dans l’océan Indien de novembre à mars, mais cette année, les eaux de surface étaient proches de 30°C, un phénomène attribué au réchauffement climatique.
Chido est surtout “exceptionnel” car l’œil du cyclone a frappé directement le petit archipel, selon François Gourand, prévisionniste à Météo-France.
“On est complètement coupé du monde”, témoigne Antoy Abdallah, un habitant de Tsoundzou. “On commence à manquer d’eau. Dans le sud, il n’y a plus d’eau courante depuis cinq jours”, se désole-t-il.
- Renforts -
Un pont aérien et maritime est déployé depuis La Réunion pour acheminer matériel et personnels médicaux. 800 personnels de la sécurité civile sont envoyés en renfort, accompagnés d’un hôpital de campagne. EDF a également envoyé des équipes pour rétablir le courant.
Au total, 1.500 personnels civils et militaires sont en cours d’acheminement, dont 400 gendarmes. 13 avions participent à ce pont aérien, selon les services de l’État. Les secouristes s’attendent à trouver de nombreuses victimes dans les décombres des bidonvilles très peuplés, notamment dans les hauteurs de Mamoudzou.
Selon Florent Vallée, de la Croix-Rouge française, “des familles entières” et “beaucoup d’enfants mineurs seuls” vivent dans les bangas, ces petites maisons traditionnelles désormais détruites.
Les appels à la solidarité se multiplient. Les États-Unis indiquent être prêts à “offrir une aide humanitaire appropriée”. L’Union des Comores a décrété une semaine de deuil national. Une minute de silence a été observée à l’Assemblée nationale et au Parlement européen.
Afin d’aider à “la reconstruction et l’aide aux populations dévastées”, France 2 diffusera mardi soir une “grande soirée de soutien et de solidarité”.
Jéromine DOUX, Thibault MARCHAND, avec Sylvie MALIGORNE
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