La filière du rhum de La Réunion a pris connaissance d’un projet de création d’une nouvelle taxe sur les alcools forts, inscrit dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026. Cette taxe serait instaurée au profit du Département de La Réunion, en complément des droits et taxes déjà en vigueur.
Selon les acteurs du secteur, cette mesure aurait un impact direct sur la production de rhum local. Le dispositif envisagé prévoit une majoration de fiscalité principalement appliquée aux rhums produits sur le territoire réunionnais. D’après les estimations avancées par la filière, son application se traduirait par une hausse de la fiscalité évaluée à plus de 1 200 %, soit une augmentation d’environ 8 euros par bouteille sur le marché local dès l’an prochain.
La filière souligne que cette évolution fiscale représenterait une augmentation de plus de 1 600 euros par hectolitre d’alcool pour la production locale, tandis que les alcools importés seraient soumis à une hausse plafonnée à 200 euros. Une telle différence de traitement est présentée comme un facteur de déséquilibre concurrentiel, susceptible d’affecter en priorité les petites distilleries et les structures artisanales, majoritaires au sein de la filière.
À ce jour, la filière du rhum réunionnais est composée exclusivement de très petites et moyennes entreprises. Elle représente environ 1 200 emplois directs, indirects et induits, hors emplois situés en amont, notamment dans la filière canne et l’industrie sucrière. Les professionnels estiment que cette nouvelle taxation pourrait remettre en cause des projets d’embauche à court terme et fragiliser des entreprises récemment créées.
Les acteurs du secteur rappellent par ailleurs que la filière s’est engagée, depuis avril 2024, dans une démarche de prévention à travers la Charte d’engagements des pouvoirs publics et des professionnels contre les consommations à risque d’alcool, signée avec l’État. Cette charte vise à renforcer les actions de prévention et de responsabilisation, dans un cadre partenarial.
Dans le cadre de l’examen du texte, un sous-amendement porté par Victorin Lurel, ancien ministre des Outre-mer et actuel sénateur de la Guadeloupe, a conduit à exclure les Antilles et la Guyane du champ de cette nouvelle taxation. La mesure concernerait ainsi uniquement La Réunion.
La filière estime que cette évolution fiscale interviendrait dans un contexte déjà fragilisé pour l’ensemble du complexe canne–sucre–rhum–énergie. Après plusieurs campagnes agricoles difficiles, la filière canne a enregistré l’an dernier le plus faible tonnage de son histoire. Les professionnels alertent sur les conséquences potentielles pour l’ensemble de cette filière, qui représente environ 15 000 emplois directs, indirects et induits sur le territoire réunionnais.
Ils rappellent également que la fiscalité applicable au rhum à La Réunion figure déjà parmi les plus élevées des départements d’outre-mer, avec notamment une augmentation de la vignette de sécurité sociale de 360 %, une accise majorée, l’octroi de mer et la TVA. Selon eux, cette pression fiscale cumulée pèse sur la compétitivité du marché local et sur les capacités d’exportation.
Dans ce contexte, les représentants de la filière appellent les parlementaires réunionnais à se mobiliser lors de la commission mixte paritaire à venir, afin d’examiner les effets de cette mesure sur la production locale de rhum.
memento.fr
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