Le Sénat face à l'immense défi de refonder Mayotte

"Refonder" l'archipel meurtri de Mayotte en proie à une crise aussi durable que multidimensionnelle : c'est l'ambition d'un projet de loi gouvernemental examiné à partir de lundi au Sénat, qui devrait l'adopter confortablement malgré des désaccords sur son volet migratoire.

Plus de cinq mois après le passage dévastateur du cyclone Chido, la réponse du gouvernement entre dans une nouvelle phase, celle de la refondation à long terme du 101e département français, le plus pauvre d'entre eux. Car "si le cyclone a ravagé Mayotte, il a surtout exacerbé des calamités qui existaient déjà", a lancé le ministre des Outre-mer Manuel Valls en défendant le projet devant les sénateurs.

Après les réponses "d'urgence vitale" menées sur le territoire dans les semaines ayant suivi la catastrophe, puis l'effort de reconstruction accéléré par l'adoption d'un premier texte de loi dédié mi-février, cette troisième étape s'attaque à un chantier beaucoup plus vaste et doit mettre l'État face à ses responsabilités, notamment financières. La "loi-programme" soumise aux sénateurs orchestre ainsi une promesse d'Emmanuel Macron, celle de déployer, d'ici 2031, 3,2 milliards d'euros d'investissements publics fléchés vers l'eau, l'éducation, la santé, les infrastructures ou la sécurité.

- "Échéancier" des investissements -

Les objectifs de l'exécutif sont listés dans un long rapport annexé au projet de loi, que les sénateurs pourront amender et préciser dès les premières heures de débats. Ces derniers s'étireront jusqu'à un vote solennel prévu le mardi 27 mai, et l'Assemblée nationale devrait s'en emparer en juin.

Ce texte "est absolument indispensable" pour "donner des perspectives et de la confiance au territoire, où la défiance vis-à-vis de l'État est forte", résume l'un des corapporteurs du texte, le sénateur Horizons Olivier Bitz. Construite avec les élus locaux, cette loi sera particulièrement scrutée sur l'archipel, où les demandes des élus se font chaque semaine plus pressantes sur le logement, l'éducation ou encore l'immigration.

"On ressent une vraie démarche d'engagement de l'État pour nous aider à sortir de cette crise. Mais l'urgence pour nous, c'est d'avoir un échéancier, un calendrier précis des investissements", souligne la sénatrice de Mayotte Salama Ramia (groupe macroniste RDPI). Cet enjeu crucial a été identifié au Sénat, qui devrait renforcer le volet programmatique du texte, en imposant notamment au gouvernement de chiffrer, année après année, les investissements qu'il prévoit.

Toujours dans le but de "rassurer localement", les sénateurs ont aussi proposé en commission d'instaurer un "comité de suivi", pour que les promesses ne restent pas lettre morte. Mais ce projet de loi, l'une des très rares initiatives parlementaires émanant du gouvernement dans cette année politique mouvementée, dépasse largement le cadre de la programmation : de nombreuses mesures entendent réformer le contexte économique, social, institutionnel et sécuritaire de l'île.

- Visas territorialisés -

Le volet le plus sensible a trait à l'immigration, avec des conditions d'accès au séjour durcies, des peines pour reconnaissance frauduleuse de paternité augmentées et la possibilité de retirer des titres de séjour aux parents d'enfants considérés comme menaçant l'ordre public. Rien en revanche sur la suppression – demandée localement – des visas territorialisés qui empêchent les détenteurs d'un titre de séjour mahorais de venir dans l'Hexagone. Mesure qui permettrait selon ses défenseurs de "désengorger" hôpitaux et écoles face à l'afflux massif d'immigrés clandestins venus notamment des Comores voisines.

Mais le gouvernement comme la majorité sénatoriale plaident pour son maintien, craignant de renforcer l'hypothèse d'un "appel d'air" migratoire. "Nous dénonçons cette façon de traiter le problème migratoire comme un sujet d'appel d'air au lieu de le régler à sa source", s'inquiète la socialiste Corinne Narassiguin, qui fustige "l'obsession migratoire" du gouvernement. Le groupe écologiste a de son côté dénoncé un texte qui "stigmatise" et "criminalise", "au lieu de reconstruire".

Autre irritant probable, un article pour faciliter les expropriations en vue d'accélérer la reconstruction. Le projet contient aussi des dispositifs économiques et sociaux avec la création d'une zone franche globale avec des abattements fiscaux à 100 %, et la perspective, d'ici 2031, d'une "convergence sociale" entre l'Hexagone et l'archipel où les minima sociaux, comme le RSA, sont aujourd'hui 50 % inférieurs.


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