Quatre Rapporteurs spéciaux de l'ONU ont exprimé mardi leur profonde inquiétude concernant la situation des Kanak en Nouvelle-Calédonie, archipel français du Pacifique sud. Cette alerte survient après que des émeutes ont éclaté en mai dernier à la suite d'un projet de réforme électorale controversé.
L'examen par le Parlement français d'une réforme électorale, accusée de marginaliser davantage la population autochtone Kanak, a déclenché une vaste mobilisation des indépendantistes. Cette mobilisation, débutée le 13 mai, s'est rapidement transformée en violentes émeutes.
Selon les experts de l'ONU, ce projet de réforme "menace de démanteler les acquis majeurs de l'accord de Nouméa, notamment la reconnaissance de l'identité autochtone Kanak, des institutions coutumières, du droit coutumier, et des droits fonciers". Ces acquis, obtenus après des décennies de luttes, sont considérés comme fondamentaux pour le maintien de l'identité et des droits des Kanak.
Le projet de révision constitutionnelle en question propose d'ouvrir les élections, actuellement réservées aux natifs et aux résidents arrivés avant 1998, ainsi qu'à leurs descendants, à toute personne résidant en Nouvelle-Calédonie depuis au moins dix ans. Ce changement pourrait potentiellement altérer le corps électoral, ce qui inquiète les indépendantistes qui craignent une "minoration encore plus importante du peuple autochtone kanak".
Les experts de l'ONU ont exprimé leur préoccupation, affirmant que cette tentative de modifier l'accord de Nouméa pourrait "porter gravement atteinte aux droits humains des Kanak et à l'intégrité du processus global de décolonisation". Ils reprochent également au gouvernement français de ne pas avoir respecté "les droits fondamentaux à la participation, à la consultation et au consentement libre, préalable et éclairé" des Kanak et de leurs institutions, y compris le Sénat coutumier.
Le communiqué des experts de l'ONU, signé par les Rapporteurs spéciaux sur les droits des Peuples Autochtones, Jose Francisco Cali Tzay, sur la liberté de réunion pacifique, Gina Romero, sur les formes contemporaines de racisme, Ashwini K.P., et sur la liberté d'opinion et d'expression, Irene Khan, demande l'abrogation complète du projet de loi. Ils soulignent que bien que le projet ait été suspendu après les élections législatives françaises, les tensions restent vives en Nouvelle-Calédonie.
Depuis trois mois, les violences dans ce territoire, colonisé par la France au milieu du XIXe siècle, ont fait onze morts, dont deux gendarmes. Les Rapporteurs dénoncent également "un usage excessif de la force" par les autorités françaises et expriment leur préoccupation face aux allégations de la présence de milices armées opposées à l'indépendance.
Cette situation complexe et tendue souligne les défis persistants liés à la reconnaissance des droits des peuples autochtones en Nouvelle-Calédonie, ainsi que la nécessité d'une approche plus inclusive et respectueuse de leurs aspirations légitimes.

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