Guadeloupe : entre fête et mémoire, la diaspora haïtienne rassemblée autour de son drapeau

Rouge et bleu en étendard, des Haïtiens de Guadeloupe ont célébré leur drapeau, entre musique et devoir de mémoire. Une commémoration teintée de fierté identitaire, mais aussi d’histoire douloureuse et de revendications persistantes.

Ils sont venus en cape, en jupe ou en bandeau rouge et bleu, pour célébrer la Fête du drapeau haïtien, sur la place du centre culturel Sonis, aux portes de Pointe-à-Pitre. "On fête notre fierté, notre identité, notre drapeau depuis 122 ans", lance Jean-Baptiste Henrisca, président de l’association culturelle Family Band, qui a convié la diaspora aux festivités musicales de la soirée.

Le 18 mai 1803, le drapeau haïtien rouge et bleu est adopté, quelques mois avant la déclaration d’indépendance de la première république noire du monde. Selon la légende, Jean-Jacques Dessalines, père de l’indépendance haïtienne, aurait déchiré le blanc du drapeau français, en réaction au rétablissement de l’esclavage par Napoléon. Une couturière, Catherine Flon, aurait ensuite recousu les bandes rouge et bleue ensemble.

Au centre culturel Sonis, on danse, chante, boit et rit tout en rendant hommage à "Ayiti Chérie", ce pays que beaucoup ont quitté, souvent pour fuir la violence ou la pauvreté.
Car Haïti, pays le plus pauvre du continent américain, traverse depuis des décennies une instabilité chronique, aujourd’hui aggravée par la guerre des gangs qui ensanglante Port-au-Prince. "Peu importe où il se trouve : un Haïtien fêtera toujours son drapeau, même quand on voit le pays dans cet état-là", sourit fièrement Nahomie Phileston, vendeuse au marché aux épices de Pointe-à-Pitre.

- Dette coloniale -

Plus tôt, au Mémorial ACTe, musée de l’esclavage de Pointe-à-Pitre, l’ambiance était plus solennelle. Une levée du drapeau haïtien s’est tenue en présence de représentants officiels du pays, accompagnée de prestations artistiques.

"Le combat mené en Haïti pour l’indépendance et pour la liberté n’a jamais été achevé, même si c’est grâce à lui et ce drapeau que les Noirs du monde entier peuvent faire ce qu’ils veulent", assène Neslene Léger, cheffe d’entreprise de 46 ans installée en Guadeloupe. Vêtue d’une longue jupe représentant des scènes de la vie haïtienne, elle est venue "rendre hommage aux ancêtres et penser au pays".

"On a payé notre liberté, avec nos sangs, avec nos économies et on continue de le payer aujourd’hui", ajoute-t-elle en référence à la dette imposée par la France à Haïti en 1825 : 150 millions de francs-or contre la reconnaissance de son indépendance. Cette "dette haïtienne", accusée d’avoir ruiné durablement le pays, est revenue sur le devant de la scène en avril, quand Emmanuel Macron a annoncé la création d’une commission d’historiens franco-haïtienne pour en étudier l’impact. "Un geste de lucidité et de vérité", selon Markenzy Casimir, le vice-consul d’Haïti en Guadeloupe, qui espère qu’il contribuera à "restaurer une mémoire partagée".

Mais parmi les participants à la soirée, l’enthousiasme reste modéré. "On se souvient de François Hollande qui avait annoncé en 2015 s’acquitter de la dette, avant de tourner le dos", ironise Jean-Baptiste Henrisca. "C’est un crime historique qu’on a voulu enterrer. Qu’on en parle aujourd’hui, c’est une bonne chose", nuance l’écrivain haïtien Lyonel Trouillot, qui estime que "le peuple occidental doit réaliser que son avènement a eu lieu à partir de la domination, de l’exclusion et l’exploitation d’autres communautés humaines".

Le sujet dépasse Haïti. Cette dette rappelle "la loi d’indemnisation des colons de 1849", souligne Raphaël Lapin, président du conseil d’administration du Mémorial ACTe. En France, à l’abolition de l’esclavage en 1848, les anciens propriétaires avaient été indemnisés pour la perte de leurs esclaves, qui eux, n’avaient rien touché. Là aussi, des demandes de réparation restent sans réponse.


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