En Guadeloupe, la fin d'un squat artistique emblématique né du vide des politiques culturelles

© CAC - Kòlektif Awtis Rézistans

Inauguré en 1978, fermé en 2009, occupé par des artistes depuis 2021, le Centre des arts et de la culture (CAC) de Pointe-à-Pitre doit être réhabilité. Pour ceux qui avaient redonné vie à l’immeuble abandonné, c’est la fin d’une expérience née du vide de la politique culturelle dans l’archipel.

Difficile d’échapper à Pointe-à-Pitre au visage coloré de Maryse Condé. Peinte par un street-artiste, l’écrivaine guadeloupéenne, disparue en 2024, trône sur la façade de l’imposant Centre des arts, bâtiment en béton de six étages et 4 000 m3 situé en plein centre-ville. Depuis leur occupation des lieux en juillet 2021, des artistes regroupés dans le Kolektif Awtis Rézistans avaient investi chaque recoin, recouvrant les murs de fresques, poèmes et graffitis, et organisant spectacles, conférences, ateliers pour enfants, expositions et visites guidées.

"On s’était installé pour deux mois, pour alerter sur la situation de la culture en Guadeloupe", rappelle Laurence Maquiaba, porte-parole du mouvement autonomiste Alyans Nasyonal Gwadloup (ANG), dont les militants ont été les premiers à prendre possession des lieux. Leur ambition, inchangée depuis, était d’avoir "un espace d’expression où chercher, créer et rencontrer", affirme la chanteuse Florence Naprix, engagée de la première heure. Cette occupation est aussi née d’un constat : celui du manque d’infrastructures et d’action publique en matière de culture en Guadeloupe.

Depuis lundi, la communauté d’agglomération Cap Excellence, qui regroupe Pointe-à-Pitre et plusieurs communes voisines, a repris le contrôle du bâtiment avant des travaux de réhabilitation devant commencer rapidement. "On repart sur 19 millions d’euros de travaux", indique Bruno Pierrepont, directeur général des services de Cap Excellence. L’objectif est d’abord de remettre en état la grande salle de spectacle de 1 200 places, fermée depuis 2009 pour des travaux jamais achevés.

Les artistes ont déjà évacué les lieux. "Nous ne voulons pas brimer la créativité qui a pu s’exprimer ici", assure Francesca Faithful, élue déléguée à la culture de Cap Excellence, expliquant avoir mis "un local à disposition des artistes qu’ils pourront customiser librement". Mais l’espace proposé – "des bureaux de type centre de formation ou coworking", selon les artistes – les laisse sceptiques, même s’ils reconnaissent "un effort pour comprendre nos contraintes".

- Espace devenu central -

Loin d’avoir été un simple lieu d’hébergement, le CAC avait retrouvé un rôle central dans la vie culturelle locale. Des artistes étrangers y ont laissé leur patte et le public répondait présent pour assister à des DJ set, des battles de rap le week-end ou des ateliers d’écriture. Début 2025, le lieu a aussi fait polémique en exposant une œuvre de l’artiste Blow représentant la tête coupée d’Emmanuel Macron, entraînant une plainte du chef de l’État.

Chez les artistes, la nostalgie de quitter les lieux se mêle au soulagement. La gestion du lieu, "sa sécurisation, l’accueil des visiteurs, le nettoyage, l’entretien du jardin créole", était lourde et portée entièrement par des bénévoles, souligne Laurence Maquiaba, qui revendique toutefois avec fierté la "création d’un écosystème qui nous a dépassé". Les oeuvres créées sur place doivent être numérisées dans l’optique d’organiser des visites virtuelles. Une seconde phase de réhabilitation est évoquée, avec la création éventuelle d’espaces de production et de résidence.

Mais "on y va pas à pas et on préfère ne pas s’engager sur des dates : tant de choses peuvent se passer", temporise Francesca Faithful. Pourtant, la demande est là. "Il y a eu un engouement formidable, preuve que les Guadeloupéens sont avides de culture", témoigne l’artiste multidisciplinaire JaWan Lov, en feuilletant un cinquième volume du livre d’or rempli de témoignages.


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