Le 15 juillet, François Bayrou dévoile ses propositions budgétaires avec un slogan en arrière-fond : "le moment de vérité". Six semaines plus tard, le Premier ministre tente un "électrochoc" en sollicitant la confiance de l'Assemblée, une initiative qui précipite la rentrée... voire la fin de son bail à Matignon.
Mardi, comme prévu, le Premier ministre s'est exprimé devant la CFDT. Impératif écologique, "tsunami" de l'intelligence artificielle, domination des "empires", "effondrement démographique" dans l'hexagone: "un nouveau monde est à inventer" pour sauver le "contrat social" français. Le Premier ministre évoque des négociations en cours et trace même des perspectives, comme de confier aux partenaires sociaux la gestion des assurances chômage et vieillesse.
Faut-il, pour cela, que son gouvernement survive à la surprise de sa conférence de presse de rentrée, lundi: l'engagement de la responsabilité de son gouvernement devant l'Assemblée le 8 septembre. Un pari des plus audacieux, au vu de l'absence de majorité. Une mission qui se rapproche de l'impossible au vu des réactions immédiatement négatives de la gauche, PS compris, et du Rassemblement national. Même si le Premier ministre s'est donné "13 jours" pour convaincre les Français de choisir entre "le chaos" ou "la responsabilité".
François Bayrou prépare-t-il sa sortie ? Ou croit-il "l'électrochoc" possible sur le constat des économies à réaliser, lui qui propose un effort de près de 44 milliards d'euros pour le prochain budget ? "Une sorte d'entre-deux", juge un membre de son gouvernement. "D'un côté, une logique sacrificielle, le premier acte d'une campagne présidentielle. +Au moins, j'aurais dit la vérité+". "Et d'autre part, il s'est dit que le côté électrochoc pouvait créer quelque chose. Avec un effet de surprise assez manifeste puisque même nous, on l'a découvert une demi-heure avant l'annonce".
- "Moment Mendes" -
Cette rentrée, le patron du MoDem l'avait bien identifiée. Il succédait à Michel Barnier, premier chef du gouvernement renversé depuis plus de soixante ans, sur l'autel du budget. Un "moment Mendes" -référence à Pierre Mendes France en 1954- devait s'ouvrir avec un Premier ministre septuagénaire, respecté de tous bords, susceptible de nouer des accords, à défaut d'une grande coalition. Et comme son prédécesseur, capable de réformes et de décisions courageuses, fut-ce au prix d'un mandat très bref.
Passés les débuts compliqués -aller retour à Pau pendant la crise de Mayotte, affaire Bétharram-, il élabore sa stratégie depuis le début du printemps. Le Parlement est bloqué, la censure sur le budget jugée inévitable. "Il n'y a que l'opinion publique". François Bayrou préconise même un référendum, balle envoyée publiquement au président. Sans retour...
En avril, une première conférence de presse est convoquée, après un "comité d'alerte" sur les finances publiques. Avant la présentation des mesures le 15 juillet : "année blanche" fiscale, gel des prestations sociales ou encore la suppression de deux jours fériés, qui cristallise l'opinion. Un mois et demi plus tard, le Premier ministre dit regretter un débat "dévoyé", focalisé sur les mesures qui auraient fait perdre de vue l'essentiel: l'urgence de réduire le déficit et de contenir la dette.
- "Un lambeau après l'autre" -
"S'il s'était contenté du constat, on aurait dit +tout ça pour ça+. Et comme c'était le principal reproche qu'on lui faisait...", explique un proche. Matignon est agacé par les accusations d'immobilisme. "Il s'est dit : puisqu'on nous fait le grief de ne pas dire concrètement ce qu'on veut, on pose sur la table pour crédibiliser les 44 milliards", poursuit-il.
L'exercice est jugé réussi mais les mesures ne passent pas. François Bayrou, lui, ne prendra pas de vacances. "Le forcené de Matignon", s'amuse un proche. Quelques déplacements, des rendez-vous dans le silence estival de la rue de Varenne. Mais le dialogue semble coupé avec le PS, qui se dirige vers la censure. Un constat tiré dès la fin du mois de juillet, explique-t-on cette semaine.
Retour, donc, à l'opinion. Et le chef du gouvernement de se lancer dans une série de vidéos sur Youtube et en podcast pour convaincre de la gravité de la situation. L'audience n'a pas décollé. François Bayrou est reçu le 21 août à Brégançon (Var) par Emmanuel Macron, qui vient de louer dans la presse son "ami" et "compagnon de route" qu'il souhaite voir à Matignon jusqu'en 2027.
Quatre jours plus tard, le Premier ministre annonce le vote de confiance. "On a simplement avancé le calendrier d'un mois", explique le ministre des Relations avec le Parlement Patrick Mignola. Pas question, comme Michel Barnier, de se laisser "déchirer en lambeaux, un lambeau après l'autre", a dit en privé M. Bayrou. Quitte à prendre les devants.
0 COMMENTAIRE(S)