Les lieux de privation de liberté de Mayotte dans un état alarmant, alerte la Contrôleure des prisons

Suroccupation "alarmante", détenus et migrants abandonnés à eux-mêmes et droit bafoué de façon quasi-généralisé : la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) a dressé dans trois rapports publiés mercredi un tableau accablant de la situation à Mayotte. Se concentrant sur le centre pénitentiaire de Majicavo, le centre hospitalier de Mamoudzou - notamment son unité de psychiatrie - et les différents locaux de rétention administrative de l'archipel français de l'océan Indien, en proie à une très forte pression migratoire, ces rapports font suite à des visites effectuées en octobre 2023.   

Ils sont accompagnés d'un courrier de la CGLPL Dominique Simonnot au Premier ministre Michel Barnier datant de septembre 2024, dans lequel la Contrôleure fait état de "conditions d'enfermement et de prise en charge gravement attentatoires aux droits fondamentaux et à la dignité des personnes".   

Le constat commun aux différents lieux est accablant : "inadaptation des locaux", "suroccupation alarmante", "oisiveté forcée", "absence d'accès à l'eau courante", "alimentation inadaptée et insuffisante" ou encore "carences gravissimes en matière d'hygiène", liste Dominique Simonnot.   "Partout, les personnes privées de liberté sont entravées dans l'exercice de leurs droits", ajoute-t-elle, regrettant que de précédentes recommandations du CGLPL remontant à 2016 et 2019 soient restées lettre morte.   

Le rapport sur le centre pénitentiaire de Majicavo, en banlieue de Mamoudzou, est le plus cinglant. Depuis sa mise en service en 2015, il connaît "une suroccupation chronique qui ne fait qu'augmenter", dénoncent les contrôleurs du CGLPL.   

Au moment de leur visite, 555 détenus était hébergés, dont 195 sur un matelas au sol. Depuis, la situation a empiré. Au 30 octobre 2024, la prison affichait une surpopulation de 161%, avec 671 personnes détenues pour 415 lits disponibles, selon un courrier du garde des Sceaux Didier Migaud en réponse aux observations du CGLPL.    

- "Livrés à eux-mêmes" -    

Au-delà de la surpopulation carcérale, ce sont les pratiques en cours à Majicavo qui inquiètent le CGLPL. "La compétence comme l'investissement de certains membres de l'encadrement intermédiaire, notoirement insuffisants, entraînent des postures professionnelles inadaptées, empreintes de xénophobie tant vis-à-vis des détenus, dont 64% sont étrangers, qu'au sein même du personnel de surveillance et vis-à-vis de l'encadrement non mahorais", dit le rapport.   

"Largement livrés à eux-mêmes, mal nourris et mal vêtus, les détenus peinent d'autant plus à se percevoir comme sujets de droit qu'ils sont rarement traités comme tels", selon la même source.   Est aussi dénoncé le manque d'associations spécialisées en droit des étrangers, d'interprètes ou d'avocats intervenant dans le centre pénitentiaire. Enfin, le rapport relève le "nombre incalculable de témoignages de détenus" disant qu'ils n'ont jamais aucune réponse à leurs requêtes, estimant qu'ils en conçoivent "un sentiment d'amertume et d'abandon insuffisamment perçu par les autorités".   

De quoi éclairer sous un autre jour la mutinerie et la brève prise d'otage de surveillants ayant éclaté à Majicavo en septembre 2024, qui avait nécessité l'intervention du GIGN, l'unité d'élite de la gendarmerie. Quelques jours plus tard, le directeur de l'établissement, arrivé en janvier 2024, avait démissionné pour "attirer l'attention" sur les conditions de travail. Le 15 novembre, dix détenus ayant participé à la mutinerie, dont plusieurs emprisonnés pour meurtre ou tentative de meurtre, ont été condamnés à des peines de 1,5 à trois ans de prison.   

Seul ministre ayant répondu au CGLPL, Didier Migaud dit avoir pris connaissance de la "gravité de la situation constatée" dans l'établissement pénitentiaire mahorais, défendant un personnel aux conditions de travail très difficiles et assurant qu'une "politique volontariste de désencombrement" a été mise en place par l'administration pénitentiaire.   

Le ministre de la Justice confirme qu'un second centre pénitentiaire, d'une capacité prévisionnelle de 400 places, annoncé en 2022, sera construit. Mais le projet se heurte au peu de foncier disponible, une problématique récurrente sur ce département de 376 km2 qui a vu sa population doubler en vingt ans pour atteindre 321.000 personnes au 1er janvier, selon une estimation de l'Insee.


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