Le projet de loi pour la refondation de Mayotte largement adopté au Sénat

Le Sénat a largement adopté le projet de loi-programme du gouvernement pour "refonder" Mayotte, un texte déclinant près de quatre milliards d’euros d’engagements financiers de l’État pour l’archipel dévasté, dont le volet migratoire et sécuritaire a suscité beaucoup de débats dans l’hémicycle.

Plus de cinq mois après le passage ravageur du cyclone Chido sur ce territoire de l’océan Indien, situé entre les Comores et Madagascar, la chambre haute, dominée par une alliance de la droite et des centristes, a voté le texte par 226 voix contre 17 en première lecture. "Nous avons accompli un pas très important, décisif, pour la reconstruction de Mayotte", s’est félicité le ministre des Outre-mer Manuel Valls après l’adoption d’un texte attendu, selon lui, depuis "des années et des décennies" dans l’archipel.

La gauche a néanmoins fait part de son hostilité à de nombreux dispositifs de lutte contre l’insécurité, l’immigration et l’habitat insalubre, les principaux "fléaux" identifiés à Mayotte par Manuel Valls. "Nous n’avons pas laissé tomber Mayotte", a martelé le ministre durant les débats sur ce projet de loi, la semaine passée au Palais du Luxembourg, satisfait de voir les sénateurs soutenir l’essentiel des propositions gouvernementales.

- "Tout s’écroule" -

Mais il a aussi fait face à de nombreuses critiques de parlementaires qui craignent des promesses en l’air ou en trompe-l’œil. "Le compte n’y est pas", s’est alarmé le sénateur de Mayotte Saïd Omar Oili pendant les débats, pour qui le gouvernement se cache derrière "un catalogue de promesses plus qu’une vraie feuille de route". "L’aide promise doit devenir réalité car tout s’écroule à Mayotte", a exhorté celui qui siège au groupe socialiste et a recommandé mardi à ses collègues de s’abstenir sur le vote du texte.

Eau, éducation, santé, infrastructures, sécurité, immigration, habitat informel... Le projet de loi s’attaque à tous les grands enjeux du 101e département français, le plus pauvre du pays. Il a la particularité de contenir non seulement des dispositions législatives, mais également tout un volet programmatique, sans valeur normative, dans lequel l’État liste ses priorités et ses objectifs sur la période 2025-2031. Avec une promesse d’ordre financier : débloquer "près de quatre milliards d’euros" sur sept ans pour relever un archipel meurtri.

Le fléchage et le calendrier de ces investissements ont été quelque peu précisés par le gouvernement par voie d’amendement, sans toutefois répondre totalement aux exigences des élus du territoire qui continuent d’appeler à plus de transparence et de moyens. Le projet contient aussi des dispositifs économiques et sociaux, avec la création d’une zone franche globale – avec des abattements fiscaux à 100 % –, et la perspective, d’ici 2031, d’une "convergence sociale" entre l’Hexagone et l’archipel.

Le texte facilite par ailleurs les expropriations en vue de reconstruire les infrastructures "essentielles" au territoire. Mais c’est le volet migratoire et sécuritaire qui a suscité le plus de débats dans l’hémicycle. La lutte contre l’immigration clandestine a en effet été érigée comme priorité par le gouvernement, face à l’afflux massif d’étrangers en situation irrégulière sur l’archipel, venus notamment des Comores voisines.

- "Croisade contre l’immigration" -

Conditions d’accès au séjour et de regroupement familial durcies, expulsions rendues possibles de parents défaillants dans l’éducation de leurs enfants lorsque ceux-ci sont jugés dangereux, nouveaux lieux de rétention des familles avec mineurs, augmentation des peines pour reconnaissance frauduleuse de paternité... Droite sénatoriale et gouvernement, de concert, ont multiplié les dispositifs, souvent dérogatoires au droit commun, pour "réduire l’attractivité" de Mayotte.

Un choix vivement dénoncé à gauche : "aveuglé par la question migratoire et emporté dans une croisade contre l’immigration, le gouvernement s’attache à faire de Mayotte une terre où l’on piétine les droits de l’homme", s’indignait la sénatrice de La Réunion Evelyne Corbière Naminzo (groupe communiste) pendant les débats. "La réalité, c’est que l’immigration vient hypothéquer toute perspective de développement de Mayotte", a rétorqué le corapporteur Horizons Olivier Bitz, pour qui "il n’y aura pas de refondation sans maîtrise des flux migratoires". Le projet de loi sera examiné à l’Assemblée nationale en juin, pour une promulgation espérée dès le début de l’été.

"Refonder" Mayotte : une loi pour durcir l'immigration, accélérer les expulsions et investir massivement

Accès défaillant à l’eau, violences quotidiennes, immigration incontrôlée, habitat insalubre, sous-développement des services publics et des infrastructures : le projet de loi-programme pour "refonder Mayotte", soumis mardi au vote du Sénat, entend répondre aux crises multiples qui traversent un archipel dévasté. Le texte gouvernemental s’articule autour de plusieurs blocs thématiques, allant des objectifs d’investissement à la "convergence" sociale en passant par un important volet migratoire et sécuritaire. Voici les principales mesures de ce projet de loi, qui doit être examiné à l’Assemblée nationale en juin.

- 4 milliards sur six ans -

Le titre premier se distingue par sa forme : un rapport annexé au projet de loi qui impose des objectifs à l’exécutif et que les sénateurs ont amendé. Il recense les priorités de l’État pour Mayotte et les investissements publics prévus entre 2025 et 2031, fléchés vers l’eau, l’éducation, la santé, les infrastructures ou la sécurité.

Il contient aussi des engagements plus généraux, comme la fin des rotations scolaires avant 2031, alors qu’aujourd’hui, de nombreux élèves doivent partager leur salle de classe avec un autre groupe, faute de places disponibles. Il acte la promesse de construire des "infrastructures essentielles" comme des hôpitaux ou encore un nouvel aéroport sur l’île de Grande-Terre, un dossier sensible localement.

Il s’agit surtout de décliner, noir sur blanc, les engagements financiers de l’exécutif jusqu’à 2031. Initialement fixés à 3,2 milliards d’euros, ils ont été relevés pour atteindre près de quatre milliards, via un amendement du gouvernement voté au Sénat. Le fléchage de ces sommes a été quelque peu précisé, mais devra être affiné dans les prochains mois. Le Sénat a par ailleurs voté la mise en place d’un "comité de suivi" de cette loi programmatique.

- Immigration, habitat illégal et sécurité -

Le titre II s’attaque à "deux fléaux identifiés depuis longtemps" : l’immigration clandestine et l’habitat informel. Le texte durcit les conditions d’accès au séjour, centralise les reconnaissances de paternité à Mamoudzou et augmente les peines pour reconnaissances frauduleuses de paternité. Il facilite aussi les expulsions de bidonvilles, en supprimant l’obligation d’annexer une offre de relogement à l’arrêté d’évacuation, en augmentant de 96 heures à sept jours le délai de flagrance pour constater la construction d’un habitat informel et en augmentant le nombre d’agents habilités pour ces contrôles.

Le titre III, à "dimension plus sécuritaire", prévoit des régimes juridiques spécifiques : renforcement des contrôles sur les armes, lutte accrue contre l’emploi d’étrangers sans titre et retrait possible des titres de séjour aux parents d’enfants considérés comme menaçant l’ordre public. Cette dernière mesure, très encadrée, irrite fortement la gauche : elle permettra l’éloignement des familles – parents et enfants –, y compris lorsque la défaillance des parents compromet la "moralité" ou "l’éducation" de leur enfant.

- Convergence sociale et levier économique -

Le titre IV rassemble des mesures économiques et sociales. Il inclut un article sur la convergence sociale, très attendue par les Mahorais. Le RSA y est encore deux fois plus bas que dans l’Hexagone et le Smic horaire y est inférieur. Le projet fixe l’horizon 2031 pour atteindre cette convergence, mais les modalités pour y parvenir sont renvoyées à des ordonnances du gouvernement. Avec une condition, fixée par le Sénat : ne pas instaurer l’Aide médicale d’État (AME), un dispositif d’accès aux soins urgents pour les étrangers en situation irrégulière. 

Le texte facilite aussi les constructions d’infrastructures essentielles, avec un article simplifiant les procédures foncières et les expropriations, souvent sources de blocage sur l’île. Mal reçue localement, cette mesure irrite fortement. Par ailleurs, le texte prévoit la création d’une "zone franche globale" avec des abattements jusqu’à 100 %, étendue à toutes les entreprises et tous les secteurs d’activité, pour stimuler l’économie mahoraise.

- Gouvernance locale renforcée -

Nouveauté : Mayotte deviendra une collectivité unique "département-région". Ce changement institutionnel, acté dans une loi organique parallèle, vise à donner plus de leviers aux élus mahorais, notamment pour gérer les fonds européens et piloter le développement de leur archipel. Le projet instaure un scrutin de liste pour l’élection de 52 conseillers à l’assemblée de Mayotte, ainsi que des incitations pour attirer les fonctionnaires, comme une bonification d’ancienneté et une priorité de mutation au retour.


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