Seul sur un atoll polynésien pendant 240 jours pour repenser notre lien au vivant

Il est biologiste marin et a vécu près de huit mois sur un atoll isolé de l’archipel des Tuamotu, en Polynésie française. Une expérience scientifique et humaine inédite, en autonomie complète, par laquelle Matthieu Juncker a voulu réconcilier rigueur des données et vécu émotionnel.

De retour depuis fin février dans le territoire français de Nouvelle-Calédonie, où il vit, le quadragénaire partage son aventure à travers des conférences et travaille sur des articles scientifiques. Un film est également en cours de montage à Paris. "La donnée est une chose, mais voir les coraux mourir sous mes yeux a provoqué une émotion que je n'avais jamais ressentie", confie M. Juncker.

Cette immersion prolongée lui a permis d'observer de près les bouleversements écologiques à l'œuvre dans cette partie du Pacifique Sud. Son premier article portera sur l'état de santé du récif corallien, affecté par une vague de chaleur marine d'une ampleur inédite dans cet océan. "Un tiers du récif est mort. La température de l’eau est restée à 30,5 degrés pendant plus de cinq semaines, jusqu’à 6 mètres de profondeur", témoigne-t-il.

Deux autres publications porteront sur le titi, ou chevalier des Tuamotu, un oiseau endémique. L'une analysera l’effondrement de sa population, tombée d’environ 185 individus en 2003 à une soixantaine en 2024. L’autre détaillera des comportements jusque-là méconnus, parfois en contradiction avec la littérature scientifique. "Ce que j’ai appris, c’est que beaucoup de choses que je pensais savoir étaient fausses", observe-t-il.

- "Tellement insignifiant" -

Pour le scientifique, ce type de voyage au long cours permet une observation fine, impossible lors des missions scientifiques classiques où le temps est compté.
Il a ainsi enrichi les connaissances sur les crabes de cocotiers, en observant des comportements en mer jusque-là insoupçonnés, alors qu’on pensait qu’ils ne s’y rendaient que pour se reproduire.

Mais au-delà des résultats, cette expédition fut aussi une traversée intérieure. La durée, l’isolement, l’environnement mouvant – où les tempêtes déplacent en une nuit des centaines de mètres cubes de sable, modifiant la physionomie du motu (îlot) – l’ont confronté à une forme de vertige. "On se sent tellement insignifiant au milieu du lagon, la nuit, sous le ciel étoilé." Il évoque une solitude parfois violente, ressentie "comme un poignard dans le ventre", mais aussi un fort sentiment d’appartenance au vivant.

"J’étais hypersensible à mon environnement", souligne le naturaliste, motivé par le désir, à son échelle, de contribuer à la préservation du milieu. L’expérience a été interrompue par l’insurrection en Nouvelle-Calédonie en mai 2024. Incapable de joindre ses proches par téléphone satellite, il a alors décidé de quitter l’atoll pour les retrouver. Mais y est retourné après un mois et demi, pour achever sa mission.

Depuis, il raconte cette aventure, défendant une approche sensible de la recherche, convaincu qu’"une exploration ne vaut que si elle est partagée".
Son passage a suscité un élan local : une association dédiée à la protection de ces écosystèmes fragiles a été créée en janvier. Elle regroupe déjà 180 membres issus des motus voisins. Le grand public devrait découvrir bientôt son histoire au cinéma. Un documentaire, tiré de près de 300 heures de rushs, est attendu à l’automne.


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