À Nice, le président polynésien appelle à valoriser l'océan sans le piller

"On espère, par notre exemple, inspirer d'autres pays", a déclaré le président de la Polynésie française Moetai Brotherson, après avoir annoncé la création de la plus grande aire marine protégée du monde, de la taille de l'Europe. Inquiet des projets miniers de ses voisins du Pacifique, il appelle à "valoriser l'océan sans le piller", lors d’un entretien en marge de la conférence de l’ONU sur les océans à Nice (UNOC).

Question : Quelle est l'ampleur de cette nouvelle aire protégée ?

Réponse : C'est l'intégralité de notre zone économique exclusive (ZEE), à peu près 5 millions de km². Du Nord au Sud, ça équivaut à la distance Stockholm-Sicile, d'Est en Ouest, c'est Roumanie-Portugal. Tout ce qui est exploitation des fonds marins, chalutage et pêche à la senne (filet encerclant le poisson, NDLR) est interdit chez nous. Et à l'intérieur de cette aire, il y a un peu plus d'un million de km² qui seront des zones de haute protection.

Q : Cette zone en protection forte est une sorte de sanctuaire ?

R : Oui, complètement. Même nos palangriers (pêche avec une longue ligne, NDLR) seront interdits de pêche dans ces zones de protection forte.

Q : Pourquoi avoir pris une décision aussi radicale alors que cela semble si difficile en France hexagonale ?

R : On le fait parce qu'il y a d'autres façons de mettre en valeur l'océan que de le piller. Et on espère, par notre exemple, inspirer d'autres pays. Nous ne sommes pas juste un peuple de l'océan, nous sommes l'océan. Pour nous, il est impensable de pouvoir saccager cet espace, ce lieu où nous avons une partie de notre cosmogonie, de nos légendes, de nos mythes fondateurs. On parle d'aire marine protégée mais, chez nous, on appelle ça le rahui (interdiction temporaire d'une zone, NDLR), et ça existe depuis 3.000 ans. On est 280.000, et on est là, à démontrer au reste du monde, qu'avec un peuple de la taille de Montpellier, on arrive à faire de grandes choses.

Q : Pensez-vous que la France devrait en faire plus pour protéger ses océans ?

R : Je ne suis pas président de la République française, mais oui, dans l'absolu, bien sûr que la France devrait faire plus. Aujourd'hui, si on regarde l'action de la France par rapport à la protection des océans, elle vient principalement des Outre-mer.

Q : L'exploitation des grands fonds marins a beaucoup occupé les conversations à Nice. La Polynésie y est-elle confrontée ?

R : C'est un sujet qui m'angoisse. Notre plus proche voisin, les îles Cook, envisage d'aller exploiter les nodules polymétalliques dans sa ZEE. Les engins utilisés sont des espèces de moissonneuses-batteuses qui se posent au fond de l'océan et détruisent tout sur leur passage. La pollution sous-marine, à l'instar du nuage de Tchernobyl, ne va pas s'arrêter à la frontière. Ce panache de poussière qui va se dégager, il va bloquer la lumière et il va empêcher le développement des phytoplanctons, qui sont nécessaires à l'alimentation de toute la chaîne trophique. C'est la chronique d'une catastrophe annoncée.

Q : Que faut-il faire pour empêcher cette catastrophe ?

R : Le message aux grands pays, c'est : ne venez pas nous donner des leçons, parce que vous avez miné la planète pendant des siècles sans vous préoccuper de l'environnement. C'est assez malvenu de venir nous donner des leçons aujourd'hui. Certains d'entre nous, aujourd'hui, n'entrevoient pas d'autres solutions pour leur développement économique. La responsabilité des grands pays de ce monde, c'est de nous aider, les petits pays insulaires, à développer d'autres modèles socio-économiques basés sur le tourisme vert, le tourisme bleu, sur les énergies renouvelables, qui n'impliquent pas d'aller exploiter les minerais subocéaniques. Il faut des financements, des aides de développement qui soient à la hauteur.

Q : Au-delà des grands discours, pensez-vous que le sommet de Nice a été utile pour les océans ?

R : Oui, ces rassemblements, on peut bien sûr les critiquer, mais ils sont encore nécessaires pour rencontrer les décideurs et les gens qui ont les moyens financiers de participer aux efforts de préservation de l'environnement. Je rêve du jour où on annoncera qu'il n'y a plus besoin de faire des COP (sur le climat, NDLR) ou d'UNOC.


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