Les scientifiques et associations tirent la sonnette d’alarme : les oiseaux tropicaux de Guadeloupe connaissent un déclin marqué. Le cas le plus emblématique est celui du pélican brun, classé vulnérable, qui ne niche plus dans l’archipel. Mais d’autres espèces plus communes sont également menacées.
Au Gosier, l’oiseau emblématique qui donnait son nom créole à la commune, « Gwan Gosyé », a quasiment disparu. « On ne voit plus les pélicans bruns qu’en vol », regrette Béatrice Ibéné, présidente de l’Association pour la sauvegarde et la réhabilitation de la faune des Antilles.
Jusqu’en 2020, la plus grande colonie des Petites Antilles s’y était établie. Plus d’une centaine de couples nichaient alors sur les falaises, avec jusqu’à 175 jeunes à chaque saison. Mais les nuisances perçues par les riverains — bruit, déjections, dégâts — ont provoqué des tensions. « Ils ont coupé les arbres où nichaient les oiseaux, les ont chassés à coups de pierres… On en a même retrouvés pendus », déplore Mme Ibéné, rappelant que l’espèce est « très sensible au dérangement ». Depuis, seule une petite colonie subsiste aux Saintes, tandis que la majorité a quitté la Guadeloupe. « L’oiseau était protégé, mais pas son habitat », souligne-t-elle.
Des menaces multiples
La perte d’habitat, aggravée par le changement climatique, figure parmi les causes principales de cette régression. Une étude publiée en août dernier dans Nature Ecology & Evolution estime qu’entre 1950 et 2020, les épisodes de chaleur extrême ont réduit de 25 à 38 % les populations d’oiseaux dans les régions tropicales.
En Guadeloupe, l’Agence régionale de la biodiversité a recensé 295 espèces, dont 18 % sont menacées. Même parmi les espèces considérées comme non menacées, les effectifs sont en baisse. « On constate des diminutions de 20 % à plus de 40 % sur plusieurs espèces communes », indique l’ornithologue Anthony Levesque. Les colibris, le sucrier à ventre jaune ou encore la paruline jaune sont affectés par la modification des régimes de pluie, la raréfaction des insectes, la déforestation ou encore la prédation des chats.
À ces pressions s’ajoute la chasse. Les oiseaux de rivage restent particulièrement ciblés, comme les bécasseaux maubèches dont la population a chuté de 95 % en 50 ans. En 2024, la décision préfectorale d’autoriser la chasse de certaines espèces avait provoqué une vive polémique et fut suspendue par le tribunal administratif. Le ministère de la Transition écologique avait ensuite rétabli l’autorisation, malgré l’inscription sur la liste rouge de l’UICN de plusieurs espèces et des suivis montrant leur diminution, suscitant la colère des scientifiques.
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