Madagascar se préparait mercredi à une nouvelle ère de régime militaire, au lendemain de la prise du pouvoir par une unité d’élite de l’armée, après la destitution du président Andry Rajoelina. Les militaires ont promis la tenue d’élections d’ici deux ans.
Le contingent du Capsat a pris le pouvoir mardi, quelques instants après le vote massif des parlementaires en faveur de la destitution d’Andry Rajoelina, qui semble avoir fui la nation insulaire alors que des soldats s’étaient joints le week-end dernier aux protestataires antigouvernementaux, après plusieurs semaines de manifestations. La capitale, Antananarivo, était calme mercredi matin, mais une grande incertitude régnait sur la suite des événements, alors que les instances internationales exprimaient leurs inquiétudes.
Le commandant du Capsat, le colonel Michael Randrianirina, désormais président de fait de ce pays parmi les plus pauvres et corrompus du monde, a déclaré mardi aux journalistes que la transition politique durerait moins de deux ans et inclurait une restructuration des principales institutions. Elle sera supervisée par un comité composé d’officiers de l’armée, de la gendarmerie et de la police.
Le colonel Randrianirina a promis des élections dans un délai de 18 à 24 mois et assuré que le comité chercherait un "Premier ministre de consensus" pour former un nouveau gouvernement. L’autorité du nouveau pouvoir a été légitimée par la Cour constitutionnelle après la validation du vote de destitution contre Andry Rajoelina.
– La Gen Z soutient l’armée –
Critique de longue date du président Rajoelina, le colonel Randrianirina avait été emprisonné plusieurs mois à partir de novembre 2023 pour incitation à la mutinerie en vue d’un coup d’État, selon des sources médiatiques.
La présidence a dénoncé "un acte clair de tentative de coup d’État" et affirmé qu’Andry Rajoelina, dont la localisation reste inconnue et qui a été vu en public pour la dernière fois il y a une semaine, "reste pleinement en fonction". Les Nations unies ont indiqué mardi qu’elles attendaient que "la poussière retombe", tout en se disant "préoccupées par tout changement de pouvoir inconstitutionnel".
L’organe de sécurité de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), organisation régionale dont Andry Rajoelina assurait la présidence tournante, s’est dit "particulièrement alarmé par les informations faisant état d’une tentative de coup d’État". "Les chefs militaires qui ont pris le pouvoir devraient respecter et protéger les droits de tous les Malgaches", a déclaré mercredi l’ONG Human Rights Watch.
Le mouvement de jeunesse Gen Z, à l’origine des manifestations déclenchées le 25 septembre contre le manque d’eau et d’énergie, a salué l’intervention du colonel Randrianirina. Ce mouvement, né pour dénoncer les coupures incessantes d’eau et d’électricité, s’est transformé en un vaste mouvement de contestation du président Rajoelina et de son entourage.
Réélu lors d’un scrutin contesté en 2023, Andry Rajoelina était déjà arrivé au pouvoir en 2009 à la faveur d’un coup d’État soutenu par l’armée, condamné à l’époque par la communauté internationale, qui avait suspendu l’aide étrangère et les investissements pendant près de quatre ans.
Il a résisté aux appels croissants à sa démission, déclarant lundi dans une allocution à la nation, depuis un lieu inconnu, qu’il cherchait des solutions aux problèmes du pays. Alors que des informations indiquaient qu’il aurait quitté Madagascar avec l’aide de la France, ancienne puissance coloniale, il a affirmé se trouver dans un "endroit sûr pour protéger (sa) vie".
Madagascar, île à la population très pauvre, a une longue histoire de soulèvements populaires suivis par la mise en place de gouvernements militaires de transition. Au moins 80 % des 32 millions d’habitants vivent avec moins de 15 000 ariary par jour (2,80 euros), le seuil de pauvreté fixé par la Banque mondiale.
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