Le report des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie va déclencher mercredi une nouvelle bataille parlementaire à l’Assemblée nationale. Les députés de La France insoumise ont déposé un “barrage” d’amendements pour faire obstacle à l’adoption du texte, qu’ils estiment ouvrir la voie à un accord contesté sur l’avenir institutionnel de l’archipel.
Les députés doivent examiner à partir de 15h00 une proposition de loi organique déjà adoptée au Sénat. Si elle était votée dans les mêmes termes à l’Assemblée, elle repousserait des élections provinciales cruciales pour la composition du Congrès et du gouvernement locaux.
Initialement prévues d’ici au 30 novembre, le texte sénatorial entend les reporter au 28 juin 2026 “au plus tard”. Il constituerait une première étape dans la réforme institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, qui repose sur l’accord signé à Bougival cet été entre l’État et les délégations indépendantistes et non-indépendantistes.
Cet accord prévoit notamment la création d’un “État de la Nouvelle-Calédonie” inscrit dans la Constitution, ainsi que la reconnaissance d’une nationalité calédonienne. Il nécessite un projet de loi constitutionnelle déjà déposé en Conseil des ministres à la mi-octobre.
Le texte prévoit également d’élargir le corps électoral des élections locales. Actuellement, seuls certains habitants peuvent voter, notamment ceux établis sur le territoire avant 1998 et leurs descendants. Les partisans du projet estiment que ce “dégel” du corps électoral justifie le report des élections provinciales.
Mais plusieurs opposants, dont La France insoumise, accusent le gouvernement de vouloir s’appuyer sur cette mesure pour imposer l’accord de Bougival, rejeté depuis sa signature par le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), principale coalition indépendantiste.
“On est contraint de relancer un nouveau cycle de négociations”, estime le député Bastien Lachaud (LFI), qui dénonce une “volonté de passer en force” de la part du gouvernement.
— “Barrage” —
Les députés insoumis ont déposé plus de 1 600 amendements, dont une partie pourrait être déclarée irrecevable. Une “pure obstruction”, selon la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet. LFI assume de son côté un “barrage parlementaire”, compromettant l’adoption du texte avant l’examen du budget prévu vendredi.
En réaction, deux députés macronistes favorables au report, Nicolas Metzdorf (Nouvelle-Calédonie) et Vincent Caure, ont déposé des amendements visant à supprimer les trois articles du texte, tout comme certains élus indépendants du groupe Liot. Cette manœuvre, bien que surprenante, permettrait de contourner le mur d’amendements et d’envoyer la proposition de loi en commission mixte paritaire, réunissant sept députés et sept sénateurs.
“On fait ce choix par défaut, parce qu’on a un enjeu d’avoir une adoption conforme et rapide. On veut pouvoir obtenir le report des élections dans le respect de la volonté des Calédoniens et de l’État de droit”, explique Vincent Caure.
D’autres députés favorables au texte envisagent de soutenir une motion de rejet stratégique, afin d’interrompre les débats avant même l’examen des amendements.
Ces stratégies nécessitent cependant une forte mobilisation, alors que le Rassemblement national et la majorité de la gauche s’opposent à la proposition de loi. Les socialistes la soutiennent, mais sans garantie qu’ils aideront à contourner l’obstruction.
Le gouvernement dispose néanmoins de plusieurs leviers constitutionnels pour accélérer les discussions.
“Les Insoumis se trompent de débat. Il ne doit pas porter sur le report des élections”, déplore Philippe Gosselin (LR), rapporteur du texte, rappelant que “le mouvement indépendantiste est divisé sur le sujet”.
Signataire de l’accord de Bougival, l’Union nationale pour l’indépendance a appelé les députés à “voter en faveur du report des élections provinciales” dans une lettre ouverte publiée mardi.
Ce mouvement, qui s’est retiré du FLNKS en novembre 2024, estime que ce vote marquerait “un soutien au compromis, à la responsabilité et à la paix”, garantissant “l’existence, l’amélioration et la mise en œuvre de l’accord de Bougival”.
Le FLNKS a pour sa part réaffirmé vendredi sa volonté de maintenir les élections provinciales en novembre.
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