L’Assemblée nationale a bouclé, dans la nuit du 27 au 28 juin, l’examen du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte. Ce texte, fruit d’une large concertation avec les élus et la société civile, doit constituer la troisième phase de réponse à la crise provoquée par le cyclone Chido en décembre 2024. Il sera soumis à un vote solennel le mardi 1er juillet, avant un passage en commission mixte paritaire.
« Ce projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte s’inscrit dans une stratégie en trois temps : la gestion de crise immédiate, la reconstruction, et désormais la refondation du territoire », selon le communiqué du ministère des Outre-mer. Après l’urgence humanitaire et les premiers travaux engagés dès février 2025, cette loi vise à structurer un avenir plus stable pour l’île la plus jeune et la plus pauvre de France.
Parmi les principales mesures annoncées figurent des dispositions musclées contre l’immigration clandestine et l’habitat illégal, avec un durcissement des conditions d’entrée pour les regroupements familiaux et de nouveaux outils contre les bidonvilles. « Les articles visant à renforcer la lutte contre l’immigration clandestine ou renforçant la sécurité des Mahorais, supprimés en commission, ont été rétablis en séance », selon la déclaration du ministre d’État.
Autre évolution notable : l’abrogation du titre de séjour territorialisé, prévue pour le 1er janvier 2030. « Le ministre d’État salue le travail transpartisan qui a conduit à l’abrogation de ce dispositif », indique le communiqué. Ce changement, longtemps demandé par les Mahorais, permettrait de replacer Mayotte dans une logique plus conforme au droit commun français.
Le texte prévoit également la création d’une zone franche globale, l’accélération de la convergence sociale (avec un SMIC relevé à 87,5 % du niveau hexagonal dès janvier 2026), et la transformation du port de Longoni en grand port maritime. À cela s’ajoute une enveloppe budgétaire de 4 milliards d’euros étalée sur sept ans, ainsi que l’annonce d’un second hôpital à Combani.
« Ce projet de loi d’une ambition inédite marque l’entrée dans la phase décisive de refondation de Mayotte. Grâce à ce texte, nous avançons résolument vers l’égalité réelle pour les Mahorais », selon la déclaration de Manuel Valls, ministre d’État chargé des Outre-mer.
Mais sur le terrain, des voix s’élèvent pour tempérer cet enthousiasme.
Un avenir flou pour les infrastructures. Si les mesures économiques et juridiques avancent, plusieurs amendements concernant les infrastructures, notamment l’aéroport, ont été rejetés. Certains dénoncent une vision incomplète car sans désenclavement aérien tout plan de développement serait "bancal".
Des craintes sur les effets de la convergence sociale. Du côté des syndicats, ils s’interrogent sur la capacité des entreprises locales à absorber le relèvement du SMIC. Si les exonérations ne compensent pas totalement la hausse du coût du travail, les TPE de Mayotte "ne tiendront pas".
Sur l’immigration, des réserves éthiques. Plusieurs associations de défense des droits humains redoutent que le durcissement des conditions d’entrée ne vienne aggraver la situation des familles en situation régulière, déjà confrontées à des délais administratifs interminables.
Le Sénat examinera à son tour le texte la semaine du 7 juillet. Reste à savoir si la commission mixte paritaire parviendra à dégager un compromis satisfaisant pour toutes les parties. D’ici là, à Mayotte, les attentes sont aussi fortes que les doutes.
Memento.fr
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