Indépendantistes et loyalistes s'accordent sur un futur État de la Nouvelle-Calédonie

Les forces politiques calédoniennes ont signé samedi près de Paris un accord "historique" prévoyant un futur "État de la Nouvelle-Calédonie" inscrit dans la Constitution française, après dix jours de discussions sur l’avenir institutionnel de ce territoire du Pacifique sud.

Ce "projet d’accord", qui prévoit un statut inédit se rapprochant d’une indépendance-association ainsi qu’une nationalité calédonienne, doit encore être entériné en Nouvelle-Calédonie après consultation interne de la base au sein de chaque parti et mouvement signataires. Participaient à ces négociations à Bougival (Yvelines) près de Paris toutes les forces politiques du Congrès calédonien : Union calédonienne et UNI-Palika pour les indépendantistes, Loyalistes et Rassemblement-LR pour les non-indépendantistes, Calédonie ensemble et Éveil océanien au centre.

Le président Emmanuel Macron a reçu les signataires en début de soirée à l’Élysée, en présence de François Bayrou, du ministre des Outre-mer, Manuel Valls, et des présidents des deux chambres, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, très impliqués dans le processus. "Après deux accords et trois référendums, la Nouvelle-Calédonie, par ce que vous avez signé, ouvre une nouvelle page de son avenir dans un lien serein avec la France", a déclaré le chef de l’État, martelant à plusieurs reprises à l’adresse de ses interlocuteurs calédoniens : "vous avez bien fait".

François Bayrou a lui exprimé sa "fierté d’un accord à hauteur d’Histoire" pour l’avenir de ce territoire à 17.000 kilomètres de l’Hexagone. Un enthousiasme assez largement partagé dans la classe politique française.

– "Rien n’est gagné" –

Dans une réaction transmise, Manuel Valls avait lui salué dès samedi matin "le choix du courage et de la responsabilité" des responsables calédoniens. Lors d’un échange avec la presse, l’ancien Premier ministre a ensuite évoqué un "compromis intelligent" et "historique", soulignant que l’accord acte un "État de la Nouvelle-Calédonie dans l’ensemble français", un lien avec la France "maintenu" avec "davantage de souveraineté pour la Calédonie" et un socle de "reconstruction politique, économique et sociale", rendu nécessaire après les émeutes de 2024.

"Mais rien n’est gagné", prévient-il, appelant à "convaincre les Calédoniens". Environ 270.000 personnes vivent en Nouvelle-Calédonie.

Reçus à l’Élysée, tous les signataires ont confié que le projet d’accord serait délicat à défendre dans l’archipel. Le député Emmanuel Tjibaou (GDR), qui conduisait la délégation FLNKS, s’attend à "se mettre à l’épreuve de la critique". "On a dit ce matin (samedi) : dès qu’on sort de la table, on va passer le pas de la porte et on va se faire insulter, menacer", parce que nous avons choisi un chemin différent", celui du "compromis", dit-il.

Même tonalité côté Loyaliste et Rassemblement-LR, où l’on salue "un accord historique" en mesure "d’instaurer une nouvelle ère de stabilité", mais qui va devoir être défendu et accepté sur le Caillou. "Ça va bouger sur place, il va falloir être extrêmement solide", pour "rester sur les rails" de l’accord, a estimé Nicolas Metzdorf, figure du camp non-indépendantiste.

Un des points de l’accord stipule que le corps électoral local sera ouvert aux résidents en Nouvelle-Calédonie depuis au moins dix ans à partir des élections provinciales de 2031, alors que la réforme du corps électoral avait été à l’origine des émeutes de mai 2024, qui ont fait 14 morts. Le texte prévoit "un statut dans la France. Avec des Calédoniens qui restent Français. Plus aucun référendum en vue si ce n’est celui qui sera organisé pour valider cet accord. Une ouverture du corps électoral", a résumé le député non indépendantiste Nicolas Metzdorf.

– Nationalité calédonienne –

Intitulé le "pari de la confiance", les 13 pages du projet d’accord actent la création d’une nationalité calédonienne, les habitants répondant aux critères de citoyenneté du Caillou bénéficiant de la double nationalité française et calédonienne.

Un "État de la Nouvelle-Calédonie" inscrit dans la Constitution de la République française sera créé, qui pourra être reconnu par la communauté internationale, souligne l’accord. Cela ne signifie pas que la Nouvelle-Calédonie disposera d’un siège à l’ONU. L’accord aborde l’économie avec un futur "pacte de refondation économique et financière" qui prévoit notamment un "plan stratégique" pour le nickel, ressource-clé du territoire, mais reste vague dans les ambitions et les termes.

Une fois validé par la base en Nouvelle-Calédonie, le texte prévoit l’adoption à l’automne d’une loi organique reportant les élections provinciales – déterminantes pour la composition du Congrès et du gouvernement local – à juin 2026. Suivra un projet de loi constitutionnelle, modifiant le titre XIII de la Constitution relatif à la Nouvelle-Calédonie, qui devra être adopté par le Parlement réuni en Congrès. Les Calédoniens seront ensuite appelés à se prononcer sur l’accord lors d’un référendum, prévu en février 2026.

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Nouvelle-Calédonie : une nuit blanche pour un accord inespéré

Un "compromis intelligent", fruit d'un "pari de la confiance" entre forces politiques longtemps irréconciliables : c'est ainsi que Manuel Valls décrit l'accord trouvé samedi à l'aube entre État, indépendantistes et non-indépendantistes calédoniens, après dix jours de tractations sous tension dans un hôtel des Yvelines. "Il y a eu un véritable saut dans le vide, mais chacun a su se hisser à la hauteur du moment", confie le ministre des Outre-mer. Pour Éric Thiers, conseiller spécial de Matignon qui était à ses côtés, cet accord marque une "volonté partagée d'éviter le chaos, de créer un cadre stable et de redonner foi en l'avenir commun".

Le sommet, ouvert par Emmanuel Macron le 2 juillet à l'Élysée, visait à poser les bases d'un futur statut pour la Nouvelle-Calédonie. Mais à la surprise générale, le chef de l'État évoque, pour la première fois à ce niveau, l'idée d'un "État associé" avec la France. Jugée trop clivante, cette notion est rapidement écartée au profit d'expressions plus ouvertes : "statut sui generis" ou "État de Nouvelle-Calédonie". L'objectif : dépasser l'alternative binaire entre indépendance et maintien du statu quo, en explorant une autonomie renforcée au sein de la République.

Six délégations calédoniennes participent aux discussions au Hilton de Bougival, un établissement au luxe discret : UC et Palika pour les indépendantistes, Loyalistes et Rassemblement-LR pour les non-indépendantistes, Calédonie ensemble et Éveil océanien au centre. Mais les premiers jours sont laborieux. "Le démarrage a été long et pénible", souffle une source. Il faut attendre cinq jours, le lundi, pour qu'une première plénière réunisse l'ensemble des acteurs avec l'État, représenté par Manuel Valls, Éric Thiers et Patrice Faure, directeur de cabinet du Président.

"Il a fallu que le ministre tape du poing sur la table" pour relancer les échanges, reprend cette source. Une source proche du dossier se félicite, elle, de "l'alignement total de l'État" dans le dossier alors que depuis l'échec des négociations de Deva, menées en mai près de Nouméa, les loyalistes pariaient sur le président contre son ministre des Outre-mer.

Les ateliers alternent entre politique et économie – nickel, finances publiques, institutions – sans déboucher sur un accord. La lassitude s'installe. Les couloirs du Hilton voient défiler des délégués fatigués, parfois joueurs de ping-pong, parfois en quête de sous-vêtements propres. Mais les nerfs sont à vif, et les marges de compromis paraissent réduites. Après d'interminables palabres, l'espoir renaît vendredi matin : une nouvelle version du projet d'accord, peaufinée par les négociateurs de l'exécutif, est distribuée.

"On est dans le +money-time+. Soit on signe dans les 24 heures, soit on rentre bredouille", confie un participant aux négociations dans l'après-midi. Tout se jouera en soirée. Une séance plénière est annoncée pour minuit. À 23h41, l'Élysée envoie une "note aux rédactions" convoquant les photographes... à 23h55. L'invitation est annulée quatre minutes plus tard, puis renvoyée trois minutes après avec un simple "erratum".

Le FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste), emmené par Emmanuel Tjibaou, organise une longue visio-conférence avec son bureau politique à Nouméa. La tension monte avant une ultime rencontre entre les indépendantistes et l'État. À 04h00, c'est toujours l'impasse. Puis, peu après 06h00, coup de théâtre : les téléphones vibrent, "ça sent bon". Un accord est trouvé. Les traits sont tirés, mais les sourires apparaissent. Un "check" entre le député loyaliste Nicolas Metzdorf et Emmanuel Tjibaou immortalise le moment.

Cet accord vient solder l'échec apparent des discussions menées par Manuel Valls à Deva, où il avait mis sur la table un projet de "souveraineté avec la France" qui avait hérissé les loyalistes. Le ministre, lui, y voit une "étape". Avec Éric Thiers, il revendique six mois de travail acharné, ponctué de déplacements, de contacts permanents et de recollage patient entre camps opposés. "On a été inventifs dans les formules", conclut-il. "La Constitution nous donne de la souplesse."


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