La déclaration n’a pas tardé à enflammer les débats : le Premier ministre François Bayrou a présenté sa stratégie pour réaliser 44 milliards d’euros d’économies sur le budget 2026. Parmi les pistes évoquées, la suppression de deux jours fériés suscite une vive controverse, au-delà même des cercles politiques.
Objectif affiché : restaurer la soutenabilité budgétaire de l’État sans recourir à une hausse massive des impôts. D’après plusieurs économistes, chaque jour férié travaillé rapporterait environ 2 milliards d’euros à l’économie nationale. De quoi alléger significativement le déficit public.
Mais la pilule passe mal. Bertrand, salarié dans la grande distribution, s’insurge : « C’est un acquis social. Revenir là-dessus, c’est honteux. On nous enlève déjà du pouvoir d’achat, maintenant ils veulent aussi nos jours de repos ? » Pour de nombreux Français, cette proposition touche à un équilibre déjà précaire entre vie professionnelle et personnelle.
À l’inverse, Henri, patron d’une PME, y voit une décision de bon sens : « Les jours fériés, pour les patrons, on les a oubliés depuis longtemps. On croule sous les charges et les obligations. Travailler deux jours de plus ? Mais nous on travaille tout le temps, on ne sait plus ce qu'est un jour férié ». Il pointe du doigt une réalité souvent ignorée : les employeurs travaillent trop souvent bien au-delà des jours ouvrables, week-ends compris.
Si la France reste dans le peloton de tête mondial en matière de jours fériés et congés (près de 36 jours en cumulant les deux, selon l’INSEE), certains experts appellent à relativiser l’impact d’une telle mesure. « Cela ferait rentrer de l’argent, certes, mais cela ne compenserait qu’en partie les besoins de financement actuels de l’État », nuance un analyste budgétaire.
D’autres y voient surtout une manœuvre politique destinée à polariser le débat. Pour un politologue interrogé par Le Mémento, « C’est une tactique classique : lancer une proposition symbolique pour focaliser les réactions, pendant que les arbitrages plus structurants passent discrètement. »
Reste que les jours fériés occupent une place symbolique forte dans la mémoire sociale française, souvent associés à des fêtes religieuses ou historiques. Y toucher revient à bousculer un consensus tacite, hérité du compromis républicain.
En pleine période d’inflation, de tensions sociales et de perte de repères collectifs, la proposition de Bayrou, si elle se transforme en réforme, pourrait raviver les fractures profondes d’un pays qui peine à se réconcilier avec l’idée d’effort partagé.
Le débat ne fait que commencer. Mais il promet d’être aussi sensible que clivant.
GGLP
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