L'enquête sur le chlordécone aux Antilles sera-t-elle relancée en appel ?

Martinique et Guadeloupe scrutent la cour d’appel de Paris : les parties civiles dénonçant le scandale sanitaire du chlordécone y contestent dès lundi le non-lieu prononcé en 2023, avec l’espoir d’obtenir une réouverture de l’enquête. "Ça fait bientôt 20 ans qu’on porte ce dossier à bout de bras, donc le courage ne nous manque pas", glisse Me Jean-Claude Durimel, un des avocats historiques des parties civiles.

Dès 2006, des premières plaintes pour administration de substances nuisibles ou empoisonnement, contre l’État ou contre X, émanent d’associations guadeloupéennes et martiniquaises de producteurs agricoles, consommateurs, défenseurs de l’environnement ou encore protection de la santé. Et une information judiciaire est ouverte en 2008 à Paris.

Au cœur de l’affaire, il y a un pesticide répandu dans les bananeraies pour lutter contre le charançon pendant 20 ans jusqu’en 1993, sur dérogation puisque la France l’avait interdit depuis 1990. Le produit est pourtant classé depuis 1979 comme agent possiblement cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). Selon des études récentes des autorités sanitaires françaises, plus de 90 % de la population adulte en Guadeloupe et Martinique est contaminée par le chlordécone.

Ce produit est nocif pour la santé, impliqué "notamment dans la survenue du cancer de la prostate et d’anomalies du déroulement de la grossesse", lit-on sur le site de l’Assurance maladie depuis 2023. Or, le taux d’incidence du cancer de la prostate en Guadeloupe et en Martinique est parmi les plus élevés au monde.

- Prescription en question -

Du côté de Fort-de-France ou Pointe-à-Pitre, colère et amertume demeurent depuis le non-lieu prononcé en janvier 2023, à 7 000 kilomètres de distance, par deux juges d’instruction parisiennes du pôle santé publique du tribunal de Paris. D’autant que ces magistrates reconnaissent alors un "scandale sanitaire" et une "atteinte environnementale dont les conséquences humaines, économiques et sociales affectent et affecteront pour de longues années la vie quotidienne des habitants" de ces territoires ultramarins.

Leur ordonnance de non-lieu repose notamment sur la difficulté de "rapporter la preuve pénale des faits dénoncés", "commis 10, 15 ou 30 ans avant le dépôt de plaintes". Ou encore sur l’impossibilité juridique "de faire valoir des avancées scientifiques" postérieures aux faits. Un peu plus de deux ans après avoir fait appel, les parties civiles abattront leurs cartes devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, lors d’une audience qui se tiendra exceptionnellement sur deux jours, lundi (dès 9 h) et mardi à huis clos.

Quels seront les angles d’attaque ? "Nous contestons l’ordonnance de non-lieu sur la prescription", indique Me François Lafforgue, également conseil des parties civiles. Un des leviers sera de démontrer que "le chlordécone persiste, a contaminé durablement les sols et l’eau et a des impacts néfastes sur la santé et l’environnement", résume Me Christophe Lèguevaques, autre avocat de parties civiles.

- "Décès, pathologies" -

Me Durimel aimerait que soient soulevées des infractions telles que "la tromperie, l’empoisonnement, l’administration de substances nuisibles, la mise en danger de la vie d’autrui".

Pour Me Rachid Madid, autre conseil des parties civiles, si on réfléchit en termes d’homicide involontaire ou d’atteintes involontaires à l’intégrité, "la responsabilité des auteurs peut toujours être recherchée du fait de décès ou de pathologies survenus après 2003". Une date qui, mise en rapport avec une première plainte en 2006, gommerait toute idée de prescription, comme il l’a déjà soutenu dans un argumentaire avec Me Olivier Tabone.

Sans préjuger des débats, la décision devrait être mise en délibéré à une date ultérieure, comme il est courant dans ce type d’affaire. Parallèlement à ce volet pénal, ce dossier tentaculaire connaît aussi un volet devant la justice administrative, dans lequel l’État français a été reconnu responsable au printemps, avec obligation d’indemniser une dizaine de victimes.

Mais la France a déposé un recours devant le Conseil d’État.


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