Supprimer l'argent liquide, un projet réaliste ?

Le ministre de la Justice Gérald Darmanin, auditionné jeudi au Sénat et interviewé vendredi, a évoqué la “fin de l’argent liquide” comme une des solutions pour lutter contre le trafic de drogue, une idée toutefois difficile à mettre en œuvre.

“Comment on arrête la drogue dans nos quartiers ?”, a questionné jeudi le ministre, “il y a une mesure assez simple, la fin de l’argent liquide empêchera la constitution de points de deals”. Même s’il a tempéré ses propos vendredi, M. Darmanin a relancé le débat sur la fin des espèces, objet de fréquentes rumeurs et de campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux.

À quoi sert l’argent liquide ?

Les espèces sont largement utilisées en France dans les achats du quotidien et “une très large majorité des Français continue d’accorder de l’importance aux espèces”, leur reconnaissant “de nombreux avantages”, affirme la Banque de France. Elles représentent 43 % des transactions en France l’an dernier, selon une étude publiée en décembre 2024 par la Banque centrale européenne.

Le cash est un moyen de paiement rapide et sûr. Et avec le cash, impossible de dépenser l’argent qu’on n’a pas et de se retrouver à découvert. C’est aussi un outil important d’inclusion sociale et de gestion du budget, notamment pour les Français les plus pauvres et les plus âgés, qui peuvent avoir moins d’accès ou être moins habitués aux paiements en ligne ou par smartphone notamment. L’argent liquide conserve également l’anonymat, un angle d’attaque de M. Darmanin.

Le cash est également très utile en cas de panne généralisée, comme ça peut être le cas après une cyberattaque ou le passage du cyclone Chido à Mayotte, en décembre dernier. Il est enfin utilisé comme réserve : un quart des Français déclarent en conserver à leur domicile, selon la BCE, parfois sous le matelas…

Quelles sont les alternatives à l’argent liquide ?

La carte bancaire, grande concurrente de l’argent liquide, a supplanté pour la première fois en 2024 les espèces, devenant le premier moyen de paiement en France avec 48 % des transactions. Les paiements mobiles sont encore petits mais en plein essor, avec 6 % des transactions l’an dernier, contre à peine 1 % en 2019. Ces alternatives posent la question de la souveraineté française et européenne, puisque les géants mondiaux de cette industrie, Visa, Mastercard mais aussi Paypal ou Apple Pay, sont américains.

Les banques françaises, en partenariat avec certaines de leurs voisines allemandes et belges, ont investi dans un système de virement de compte à compte, baptisé Wero, qui n’en est qu’à ses débuts. Le ministre de la Justice a également évoqué les cryptomonnaies “qui prendront de plus en plus de place” mais qui sont davantage “traçables”, selon lui. Le chèque, lui, n’est plus beaucoup utilisé en France (5 % des transactions).

Est-ce simple de supprimer le cash ?

Invité vendredi, M. Darmanin s’est voulu “réaliste”. Interrogé sur son intention de réaliser ce projet, il a répondu qu’“on n’en a pas les moyens politiques” aujourd’hui, qu’il faudrait “une longue discussion évidemment à avoir avec les Français”, et que “c’est un débat public qu’il faut sans doute poser dans une campagne présidentielle par exemple.” L’accès à l’argent liquide est un sujet de société sensible. La suppression du cash nécessiterait un consensus politique et une adhésion sociétale.

Or, les Français voient beaucoup d’avantages au cash. À leurs yeux, le principal est, selon la BCE, le respect de la vie privée. Le retrait de l’ensemble des pièces et des billets en circulation dans le pays représenterait en outre un défi logistique à grande échelle, comparable à l’arrivée de l’euro au tournant du millénaire. Par ailleurs, les espèces sont essentielles pour la stabilité du système financier dans son entier, construit sur un équilibre entre la monnaie de banque centrale, c’est-à-dire nos pièces et nos billets, et les euros qui sont sur nos comptes en banque, inscrits aux bilans des banques.

Et en cas d’arrêt de l’argent liquide, la Banque de France, premier producteur de billets en zone euro avec ses deux sites industriels situés dans le Puy-de-Dôme (une papeterie et une imprimerie) devrait de facto largement réduire cette activité. Les emplois de la Monnaie de Paris, qui fabrique les pièces, seraient aussi menacés.


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