Les indépendantistes kanak ne signeront pas d'accord lors du sommet organisé par l'Élysée sur la Nouvelle-Calédonie, mais se sont dits jeudi "intéressés" par l'idée d'un "État associé" avec la France, qui pourrait voir le jour après une période transitoire pour relever le territoire meurtri par les émeutes de mai 2024. "Il n'y aura pas de signature durant cette séquence-là, même si on reste une semaine, deux semaines, un mois", a déclaré Mickaël Forrest, membre de la délégation du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), lors d'une conférence de presse jeudi, au lendemain de l'ouverture du sommet par le président Emmanuel Macron.
Le député Emmanuel Tjibaou (GDR), qui conduit la délégation du FLNKS, a précisé que les rencontres en cours ne constituent qu'une étape : "On fait des discussions et puis on repart vers nos structures pour valider le processus engagé", a-t-il indiqué, rappelant la nécessité d’un "document" écrit et d’"éléments concrets" de la part du gouvernement. Il a insisté sur le fait que toute avancée nécessiterait l’adhésion de la base militante indépendantiste, soulignant que la légitimité du processus dépendrait d’une validation dans les instances politiques locales et traditionnelles.
"Le discours qui a été fait par le président (Emmanuel) Macron hier était un discours qui nous engage sur une trajectoire. Le mot +État associé+ a été prononcé. Ça nous intéresse", a-t-il poursuivi. Il a cependant souligné que cela supposait une redéfinition claire du partenariat avec la France et des garanties juridiques sur la souveraineté, l'identité kanak et la répartition des compétences.
Selon une source proche du dossier, l'exécutif ne s'est pas engagé sur un modèle institutionnel figé, mais a proposé une transition de 15 à 20 ans durant laquelle les acteurs calédoniens pourraient bâtir un projet commun, destiné à être validé par un référendum de projet. Un texte commun pourrait émerger dans les prochains jours, avant d’être avalisé en Nouvelle-Calédonie auprès des militants, selon cette même source.
Le président du FLNKS, Christian Tein, libéré de prison il y a trois semaines, s’est rendu à l’Élysée mercredi pour l’ouverture du sommet mais n’a pu y participer. "On ne pourra pas reconstruire ce pays si on ne pose pas les bases de quelque chose de serein", a-t-il affirmé jeudi, en appelant lui aussi à des engagements écrits pour sortir de la crise provoquée par les émeutes de mai 2024.
- "Autre forme institutionnelle" -
Selon un participant au sommet, Emmanuel Macron a affirmé qu’il était "prêt à examiner tout changement institutionnel nouveau, y compris jusqu’à l’État associé", seulement après cette période de stabilisation de "15 à 20 ans". Ce terme, selon cette même source, a "assommé" les représentants loyalistes présents, pour qui il constitue un "mot tabou".
Un autre participant à la rencontre a expliqué que le président de la République a plaidé pour "refonder, reconstruire, assainir" pendant "une période de refondation" avant de "préparer une autre étape, une autre forme institutionnelle qui pourrait aller jusqu’à l’État associé". L’idée d’État associé est "assez proche" de la "souveraineté avec la France" proposée par Manuel Valls en mai aux forces politiques calédoniennes, a ajouté cette source qui note une "vraie convergence" entre le président de la République et son ministre des Outre-mer.
Emmanuel Macron a évoqué "le statu quo, la large autonomie, l’État associé" comme options possibles à condition d’éviter "une consultation binaire", a rapporté la cheffe de file loyaliste Sonia Backès, favorable à une période de stabilité longue tout en réaffirmant sa "totale opposition" à un État associé. Cette notion renvoie à un sujet crispant en Nouvelle-Calédonie, l’indépendance-association, vue comme un synonyme d’abandon pour les non-indépendantistes. Adoptée par quelques États du Pacifique, elle consiste à accéder à la souveraineté tout en confiant par traité certaines compétences, comme la défense ou la diplomatie, à l’État partenaire.
Emmanuel Macron a convoqué ce sommet après l’échec des négociations menées en mai par Manuel Valls, qui a toutefois réussi depuis le début de l’année à remettre autour de la table indépendantistes et non-indépendantistes. Celui-ci avait porté un projet fondé sur une "souveraineté avec la France" de la Nouvelle-Calédonie, rejeté en bloc par les loyalistes mais que les indépendantistes envisagent désormais comme un socle de travail.
La journée de jeudi a été consacrée aux enjeux économiques du territoire. Les discussions politiques ont repris jeudi soir à Bougival (Yvelines) entre toutes les parties. Elles devraient se poursuivre au moins jusqu’au week-end.
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