Le morengy, sport de combat ancestral malgache en quête de reconnaissance

Pieds nus sur la terre battue, mains simplement bandées, torses nus, corps et visages enduits de vaseline pour éviter l’éclatement des chairs : une poignée d’athlètes s’entraînent au morengy, sport de combat ancestral malgache, en amont d’une rencontre dans un stade d’Antananarivo. 

De grosses gouttes de sueur perlent sur le visage cabossé d’Armand, Dera ou Mahery, à l’entraînement, quelques jours avant la compétition prévue dimanche pour mettre en valeur ce sport populaire essentiellement pratiqué dans le nord et nord-ouest de l’île de l’océan Indien. L’apparition du morengy remonte au XVIIe siècle. Les premières traces de la pratique de cet art martial, utilisé comme entraînement à la guerre mais aussi comme rite initiatique marquant le passage à l’âge adulte, ont été retrouvées sur la côte ouest, avant de s’étendre vers le nord au gré des migrations de populations. « La gaaaarde ! » hurle l’entraîneur Thierry Saidani, dont l’écurie à Antsiranana (Diego Suarez, nord) fabrique des champions.

« Merde les gars, on ne fait pas du kick boxing, ici ! Si vous ne placez pas bien votre main sur le visage, c’est toute votre protection qui disparaît ! », vocifère celui qui a fait venir ses poulains pour faire connaître ce sport dans la capitale malgache. « Je fais ça par passion. J’aimerais récupérer des gens de tous milieux, je suis sûr qu’ici aussi, il y a de bons combattants qui n’ont pas les moyens de se lancer », explique-t-il. Il veut aussi « démontrer que ce n’est pas un sport de sauvages » mais une pratique « de respect, d’humilité, une tradition ancestrale » qui doit se « hisser au rang de sport national ».

Grigris et star système

Mèches peroxydées et crâne rasé, Armand, surnommé « l’Éléphant » en raison de l’imposante tête de pachyderme tatouée sur son dos, est la tête d’affiche dimanche.
Avec ses 80 kilos de muscles, le jeune homme de 28 ans ne boude pas son plaisir : « C’est moi la star. J’aime que la foule m’acclame, gagner de l’argent, être célèbre. » Les combats deux par deux se déroulent sur trois « karapaka » ou rounds. Tous les coups sont permis, ou presque.

Au morengy, il n’y a pas de règles écrites. Un arbitre contrôle simplement que les athlètes ne mordent pas ni n’usent de coups « dangereux », dans les parties intimes, sur la nuque, ou quand un athlète a une main au sol. Il n’y a pas de chronomètre non plus. Ni de gagnant et de perdant. « Ce sont les clameurs et les applaudissements du public qui définissent si le combat est fini ou s’il doit se poursuivre », précise l’organisateur Geoffrey Gaspard.

Omar « Bongo » vient du monde de la boxe anglaise. Repéré il y a dix ans, il n’a pas hésité à migrer vers le morengy, où « tu peux toucher de gros contrats », soutient le trentenaire aux mains constellées de cicatrices. Les sportifs sont discrets sur le montant précis des cachets. En fonction des combats et de la notoriété des participants, ils peuvent varier de l’équivalent d’une vingtaine à près de 300 euros. Une fortune dans un pays où le salaire minimum s’élève à près de 50 euros par mois.

La plupart des combattants se parent de grigris. Pas l’Éléphant : « Moi, mon grigri, c’est mon entraînement. Et mes poings », dit-il en imitant le bruit d’une mitraillette. « Mes adversaires, je les maîtrise avec mes frappes : ils ne peuvent pas s’enfuir ni se protéger. » Pour Geoffrey Gaspard, cinéaste amoureux de cet art traditionnel, l’ambition derrière ce tournoi dans la capitale est surtout de le professionnaliser, au même titre que la lutte au Sénégal ou le dambe au Nigeria.

« Les combattants n’ont pas d’assurance, ni suivi médical. Il y a un vrai besoin de les protéger et d’encadrer » les rencontres, explique-t-il, proposant de réunir les acteurs de ce sport et l’État malgache pour rédiger un règlement officiel et mettre en place une fédération. Samedi, la veille du combat, les athlètes doivent déambuler en ville, pour montrer à la foule qu’ils sont en bonne santé et prêts à en découdre.


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