Dans une tribune au ton très critique, la conseillère régionale d’Île-de-France Babette de Rozières s’interroge : « Sommes-nous devenus les déchets de la République ? » Elle dénonce l’instabilité au sommet du ministère des Outre-mer et un manque de considération de l’État pour les territoires ultramarins.
Depuis le début du quinquennat, rappelle-t-elle, neuf responsables se sont succédé au portefeuille des Outre-mer, de Sébastien Lecornu à Naïma Moutchou, en passant notamment par Yaël Braun-Pivet, Élisabeth Borne, Jean-François Carenco, Philippe Vigier, François-Noël Buffet ou encore Manuel Valls. Une valse de ministres qui, selon elle, empêche toute continuité de l’action publique. « Ils font tous un p’tit tour et puis s’en vont », résume-t-elle, en estimant que l’Outre-mer sert de variable d’ajustement aux équilibres politiques nationaux.
Babette de Rozières juge que la nomination de Naïma Moutchou est avant tout le résultat de « petits arrangements politiques » au sein de l’exécutif. Elle s’interroge sur le rôle joué par Sébastien Lecornu, qui connaît bien ce portefeuille pour l’avoir exercé lui-même. Dans sa tribune, elle estime que les Outre-mer « servent à réguler les tractations partisanes » et qu’ils sont « sacrifiés sur l’autel des petites combines politiciennes ».
Au-delà des nominations, la conseillère régionale insiste sur les difficultés structurelles que subissent les territoires ultramarins. Elle évoque « un coût de la vie exorbitant, de 42 % supérieur à celui de la métropole », illustrant son propos par des prix du quotidien comme le lait ou le riz, et accuse la cherté de la vie de peser lourdement sur le pouvoir d’achat des familles. Le projet de loi contre la vie chère en cours d’examen est jugé « manquant d’ambition » et ne tenant pas suffisamment compte des « particularismes structurels et économiques locaux ». Les lois de 2009, 2012 et 2017 sur le développement économique des Outre-mer n’auraient, selon elle, « rien changé ».
Elle alerte aussi sur l’état des infrastructures : hôpitaux et écoles nécessitant des rénovations, routes fragilisées par le temps et les catastrophes naturelles, réseaux d’eau et d’électricité marqués par des coupures récurrentes. Les territoires seraient régulièrement « démunis » face aux cyclones ou tremblements de terre. Elle mentionne également la pression de l’« immigration clandestine » qui « ne concerne pas seulement Mayotte », et considère que la capacité de réponse de l’État est insuffisante.
Dans ce contexte, la désignation de Naïma Moutchou au ministère des Outre-mer est perçue comme « une insulte, une marque de mépris pour les outre-mer ». Babette de Rozières qualifie la nouvelle ministre d’« apprentie ministre des Outre-mer » qui « ne connaît rien des outre-mer », et estime qu’on lui a « refilé le bébé » sur des dossiers sensibles, notamment ceux liés à l’eau et à la pollution, après le départ de Manuel Valls et de Jean-François Carenco, qu’elle présente comme ayant travaillé sur des rapports « qui tenaient la route » avant d’être évincés.
La conseillère régionale plaide pour la nomination de responsables connaissant intimement les réalités ultramarines : « Il est temps de nommer des personnalités compétentes, expérimentées qui manifestent de l’attention et de l’intérêt pour la cause ultramarine. Il en existe parmi nos élus qui seraient légitimes. » Elle rappelle que « les ultramarins ce ne sont pas que des sous Français », et souligne l’aspiration à une représentation politique jugée plus respectueuse et plus stable.
Dans sa tribune, Babette de Rozières inscrit enfin cette situation dans une perspective historique. Elle rappelle que les territoires d’Outre-mer ont longtemps été des terres d’exil pour des condamnés, des bannis ou des personnes jugées encombrantes en métropole, et déplore que demeure, selon elle, une forme de logique héritée du « ministère des colonies ». « L’Outre-mer c’est pratique pour cela, ça débarrasse ! », écrit-elle, considérant que ces territoires ont trop souvent servi de lieu de relégation pour des responsables jugés peu souhaités ailleurs.
Elle conclut en citant une phrase attribuée à Jacques Chirac : « Aujourd’hui on greffe de tout : des reins, des bras, des cœurs, sauf des couilles par manque de donneurs », estimant que ce trait d’humour illustre un manque de courage politique sur le dossier ultramarin. Elle se demande si les citoyens d’Outre-mer sont « condamnés une fois de plus à subir les magouilles de ces "eunuques" qu’on nous impose » à la tête du ministère, et pour combien de temps encore.
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