L’évacuation des fonctionnaires, source de colère pour les habitants de Mayotte

Sophie soupire de soulagement alors que l’avion la ramenant de Mayotte s’apprête à atterrir à La Réunion. Non seulement ses possessions ont été détruites par le cyclone Chido, mais cette agente d’une collectivité territoriale confie s’être aussi sentie insultée par la communauté mahoraise parce qu’elle souhaitait quitter l’île.

« Je laisse un gros poids derrière moi », murmure la trentenaire, qui requiert de témoigner sous un prénom d’emprunt par crainte de sanctions professionnelles. « Avec le cyclone, j’ai tout perdu, justifie-t-elle. Mon boulot, c’est tout ce qui me reste. »

Sur l’écran de son téléphone, Sophie montre la terrasse de son appartement, désolidarisée de la façade de son immeuble, son intérieur ravagé. Le bateau qu’elle et « (son) homme » venaient d’acheter, réduit à une coque retournée. Sa voiture est irréparable, dit-elle, et la moto de son compagnon pourrait bien l’être aussi après les vents de plus de 200 km/h de Chido.

Durant le cyclone, qui a fait 39 morts et environ 2 500 blessés selon un bilan provisoire, Sophie raconte avoir vécu « les trois heures les plus angoissantes de (sa) vie », tandis que des débris s’écrasaient contre ses volets et que l’eau envahissait son appartement.

Un traumatisme auquel se sont ajoutées ensuite les critiques virulentes de la communauté mahoraise face à l’évacuation des fonctionnaires ou apparentés, comme elle, après Chido.

« Fuyards »

Portable en main, Sophie montre un groupe de discussion sur WhatsApp partagé avec ses collègues. L’un d’eux y affirme que ceux qui quitteront Mayotte, même temporairement, seront « virés ». Un autre les qualifie de « fuyards ».

Pourtant, le processus d’évacuation est encadré par l’État français, alors que l’aéroport reste fermé aux vols commerciaux. Les candidats à l’évacuation doivent s’inscrire, attendre d’être appelés, puis quitter Mayotte, ce qui peut prendre plusieurs jours.

La CFDT Fonction publique et la FSU Fonction publique ont indiqué à l’AFP n’avoir connaissance d’aucun dispositif réservé aux 21 000 agents publics travaillant sur l’île (chiffre de la DGAFP). Certains ont pu être évacués, mais uniquement pour des motifs similaires à ceux applicables à la population générale, précise Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT.

Contactés, Matignon et le ministère de la Fonction publique n’ont pas répondu aux demandes de l’AFP.

Tensions croissantes

Avant même le déploiement de ce dispositif, des Mahorais exprimaient déjà leur opposition. « Que les fonctionnaires restent à Mayotte, où l’on n’a jamais eu autant besoin d’eux. Ils partiront après ! » s’insurgeait jeudi Zena Abdiladi Halidani, cadre hospitalière, peu avant l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’hôpital de Mamoudzou.

Dans une vidéo devenue virale, une Mahoraise va plus loin : à l’aérodrome de Dzaoudzi, elle demande d’abord comment faire évacuer sa grand-mère malade, avant de conclure que les siens « n’ont pas la bonne couleur de peau » pour bénéficier de l’aide de l’État. « Les colons veulent partir… Vous profitez du soleil, des primes… bande de profiteurs que vous êtes ! », accuse-t-elle.

« J’entends des gens dire : “Vous fuyez, vous n’êtes là que pour l’argent” », commente Sophie. « Mais moi, j’ai investi ici, j’ai acheté un appartement. Et je vais revenir en janvier », assure-t-elle, malgré un « clivage entre Mahorais et blancs » qui préexistait largement avant Chido.

« Pas coupable »

Dans l’avion, aux côtés de Sophie, de nombreux professeurs rentraient également, les vacances scolaires ayant commencé à Mayotte, où nombre d’écoles sont endommagées ou servent de centres d’hébergement. Une rentrée scolaire dans de telles conditions semble improbable.

« On n’avait plus d’eau courante, ni d’électricité. On était obligés de se laver avec de l’eau en bouteille », raconte une enseignante tenant un nouveau-né dans ses bras à l’aéroport de Dzaoudzi. « J’ai demandé au rectorat de partir. Je protège juste ma fille. »

Delphine Petit, installée depuis neuf ans à Mayotte, partage un sentiment similaire. « On ne voulait pas quitter le navire, mais on était devenus des boulets », explique-t-elle, en raison des conditions sanitaires dégradées. Sa famille part « pour trois semaines ou un mois ».

Cependant, elle souligne avoir laissé sa maison à des sinistrés et aidé son voisinage avant de partir. « J’ai fait ma part », conclut-elle. « Je ne me sens pas coupable de partir. »


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