Plusieurs milliers de moustiques tigres stériles ont été lâchés mardi à Brive-la-Gaillarde (Corrèze), dans le cadre d’une expérimentation d’une ampleur inédite en France métropolitaine pour lutter contre la prolifération de cet insecte vecteur de maladies comme la dengue ou le chikungunya.
L’opération s’est déroulée dans un quartier particulièrement touché depuis plusieurs années par l’Aedes albopictus, communément appelé "moustique tigre", a constaté un correspondant local. Chaque semaine, pendant près de six mois, 400.000 moustiques mâles rendus stériles par des rayons X seront relâchés, soit un total d’environ 11 millions d’individus.
Avec cette technique de l’insecte stérile (TIS), utilisée depuis des décennies dans le secteur agricole, les moustiques sont destinés à s’accoupler avec les femelles, uniques responsables des piqûres. Leur descendance étant neutralisée, les populations doivent mécaniquement décroître. L’opération est portée par la société Terratis, pour un coût total estimé à 52.000 euros, pour 52 hectares. Ces méthodes "ont été utilisées en Espagne et en Italie, mais pas à grande échelle. Singapour et la Chine ont démarré des programmes similaires", a indiqué sa présidente créatrice, Clélia Oliva.
En 2021-2022, à La Réunion, cette méthode avait permis de faire diminuer de 50 % à 60 % la fertilité des œufs dans un secteur expérimental, selon l’Institut de recherche pour le développement (IRD), qui va lancer prochainement un nouveau programme à plus grande échelle dans l’île, durement touchée par le chikungunya (plusieurs dizaines de milliers de cas et douze décès). Dans le département de Mayotte, à 1.500 km de La Réunion, 116 cas de chikungunya ont également été enregistrés entre fin mars et début mai 2025, selon Santé publique France.
"On s’est dit qu’il fallait tout tenter pour éradiquer les désagréments vécus au quotidien par les Brivistes mais aussi pour éviter des maladies telles que la dengue ou le chikungunya", a déclaré le maire de Brive, Frédéric Soulier. La municipalité, confrontée depuis des années à une prolifération importante, avait déjà mis en place une "brigade du tigre", un service de six agents, pour sensibiliser les habitants et intervenir sur les gîtes larvaires.
Terratis, qui évoque une solution "efficace et écologique", prévoit d’élever et de stériliser jusqu’à un million de moustiques par semaine en 2025 dans sa ferme de 220 m² située à Montpellier. Pour 2028, elle ambitionne la création d’une usine de 3.000 m² capable de produire 100 millions de moustiques stériles par semaine, pour traiter jusqu’à 40.000 hectares.
"Cette technologie change complètement l’échelle de réponse face à un problème de santé publique devenu massif. On est aujourd’hui à la croisée entre l’urgence sanitaire et l’innovation environnementale", a ajouté Clélia Oliva. "Nous avons été contactés par d’autres villes, des collectivités, des aéroports et des acteurs du tourisme qui se disent intéressés", a-t-elle précisé. Le moustique tigre s’est développé rapidement en métropole depuis 2004 et est désormais implanté dans 78 départements sur 96, selon les derniers chiffres officiels.
L’an dernier, Santé publique France a recensé 11 foyers de transmission locale de dengue en métropole, pour un total de 83 cas, des chiffres sans précédent depuis la mise en place d’une surveillance renforcée en 2006.
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