À l’échelle nationale, 12 millions de personnes sont touchées par la crise du logement. Un chiffre vertigineux que Noria Derdek, responsable judiciaire à la Fondation Abbé Pierre, décrit comme « une situation pas glorieuse ». À La Réunion, les signaux d’alerte s’accumulent, révélant une précarité structurelle et persistante, souvent invisibilisée.
La Fondation pour le logement a financé une centaine de projets sur l’île ces dernières années, permettant à 15 000 personnes de bénéficier d’un soutien. Cette année, une attention particulière a été portée aux personnes âgées, dont la vulnérabilité est accentuée par des pensions trop faibles. « Une grande partie des seniors réunionnais a travaillé avec un SMIC inférieur à celui de l’Hexagone jusqu’en 1996. Résultat : des cotisations moindres, donc des retraites plus basses. Il y a un vrai enjeu de rattrapage », soulignent les acteurs associatifs.
Mais les jeunes et les familles monoparentales sont aussi fortement impactés. Dans les Outre-mer, la précarité est plus massive : environ 900 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté, dont 320 000 à La Réunion. À cela s’ajoute un écart de prix moyen de 9 % dans toutes les catégories entre l’Hexagone et La Réunion, rendant le logement encore plus inaccessible.
Encadrement des loyers : une avancée freinée
Parmi les leviers proposés, la Fondation mise sur l’encadrement des loyers, une mesure longtemps inapplicable dans les Outre-mer. Grâce à une modification réglementaire du décret sur les logements vacants, depuis le 1er janvier 2024, neuf communes réunionnaises sont reconnues comme zones tendues, condition préalable à l’application de la mesure.
Mais le calendrier n’a pas suivi : « Cette modification n’a pas été faite dans le timing prévu pour expérimenter l’encadrement », regrette Matthieu Hoarau directeur régional de la Fondation. Un espoir est néanmoins permis : une proposition de loi portée par la sénatrice Audrey Belim a été votée à l’unanimité au Sénat. Il ne reste plus qu’à l’Assemblée nationale de l’adopter pour permettre une mise en œuvre dès janvier 2026. « Cela aurait un effet bénéfique réel pour les citoyens, vu la cherté des loyers », affirme-t-il.
Revaloriser les aides au logement
Autre revendication : une revalorisation des allocations logement. Actuellement, leur montant est plus faible qu’en métropole, alors que le coût de la vie est plus élevé et que les revenus sont moindres. Et pourtant, elles permettent encore aux foyers de se maintenir tant bien que mal : les ménages réunionnais consacrent en moyenne 11 % de leurs ressources à leur loyer dans le parc social, et 24 % dans le privé. Des taux qui seraient insoutenables sans ces aides.
Expulsions : une tendance inquiétante
Depuis 2020, le nombre de concours de la force publique pour expulsions locatives a explosé. « C’est le chiffre le plus élevé de la décennie. Et c’est toujours un drame humain », insiste la Fondation. À La Réunion, les expulsions sont majoritairement liées à des impayés de loyers, et l’absence de solutions de relogement augmente le risque de basculement dans l’urgence.
Le manque de places dans les structures d’accueil est criant. Jamais il n’y a eu autant de monde dans les boutiques solidaires de jour. Jamais non plus autant de sans-abri sur l’île. Le 115 reçoit jusqu’à 400 appels par jour (de la même personne), et en 2023, plus de 1 000 enfants n’ont pas pu être pris en charge dont plus de 300 en dessous de l’âge de 3 ans..
Si des outils existent, leur mise en œuvre reste urgente, pour éviter que la précarité ne devienne la norme.
memento.fr // Esther
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