Aux Antilles, la pêche mise à mal par la pollution au chlordécone

À quelques centaines de mètres des côtes guadeloupéennes, deux zodiacs des affaires maritimes s'affairent à remonter des casiers à l'abandon. Aux Antilles, la pollution au chlordécone, pesticide utilisé pendant plus de vingt ans, a limité voire interdit la pêche dans de vastes zones.

"Nous relevons ces casiers qui étaient en attente depuis deux ans", faute de navire pour venir les enlever, "car ici, la pêche est soit interdite, soit partiellement interdite", explique Frédérique Ehrstein, cheffe du service action interministérielle de l'État et sécurité en mer pour la Guadeloupe. Le chlordécone, répandu dans les bananeraies de Guadeloupe et Martinique entre 1972 et 1993, est responsable d'une pollution massive et persistante. Sa rémanence dans les sols est estimée à plusieurs siècles et il ruisselle jusque dans la mer, emmené par les rivières ou les eaux de pluie.

Quand la pêche est autorisée, elle est réservée aux professionnels, et les casiers doivent être clairement marqués comme leur appartenant. "Les plaisanciers n'ont pas le droit d'(en) poser", indique Mme Ehrstein. Cependant, des casiers sont toujours visibles, régulièrement repérés par les autorités. Depuis les berges, certains riverains pratiquent la pêche à la ligne, traquant poissons et langoustes et affirmant perpétuer des pratiques traditionnelles.

- Zones réglementées -

En 2013, les autorités préfectorales ont réglementé les zones où la pêche était possible en Guadeloupe. Depuis cette période, une zone de près de 200 km du sud de Basse-Terre, identifiée par des balises, est concernée par l'interdiction. De Goyave à Vieux-Fort, il est interdit de pêcher et de commercialiser le moindre produit de la mer, y compris les crabes. Et du sud du Gosier jusqu'à Vieux-Habitants, l'interdiction est partielle. Ces interdictions obligent les pêcheurs "à aller plus loin" en mer, relève Jean-Daniel Barvaut, représentant de FO Pêche en Guadeloupe.

Mais la pêche locale étant artisanale et côtière, peu nombreux sont les marins à disposer de bateaux et de diplômes permettant d'aller plus au large, malgré les aides disponibles pour renouveler la flotte, expliquent des pêcheurs. Pour ces professionnels, une aide de l'État d’environ "300 000 par an est disponible depuis 2022, en dédommagement de l'interdiction de pêcher dans cette zone", détaille le sous-préfet chargé du dossier chlordécone, Théo Gal.

"Cette aide est touchée par 700 pêcheurs, de manière automatique depuis un an, à jour de leurs déclarations sociales et fiscales", ajoute-t-il. Dans les zones concernées par les limitations, "il est légal d'y pêcher uniquement certaines espèces qui ont montré de faibles concentrations en chlordécone", indique Frédérique Ehrstein, des limites de concentration de la molécule dans les aliments ayant aussi été établies au début des années 2010.

Les poissons et crustacés commercialisés doivent être tracés. Afin de rassurer les consommateurs et assurer une clientèle aux pêcheurs professionnels, le comité régional des pêches a mis en place plusieurs solutions avec l'aide de l'État : un facturier reprenant les mentions obligatoires à indiquer pour toute la chaîne de commercialisation, ou encore un macaron d'identification, avec un numéro de matricule remis aux pêcheurs.

En Guadeloupe, le secteur de la pêche est en perte de vitesse : selon un rapport de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) publié en 2024, "la production des métiers de la pêche est estimée à 22,1 millions d'euros" en 2020, "soit un quart de moins qu'en 2008". Les pêcheurs sont de moins en moins nombreux : ils étaient 817 en 2021, contre 1 670 en 2008, une tendance à la baisse "accentuée par le vieillissement et les difficultés de renouvellement de la population du secteur", note ce rapport.

Autre contrainte pour les pêcheurs : les ressources s'amenuisent dans l'océan, à cause des autres pollutions et de la réduction des récifs où vivent poissons et crustacés les plus pêchés. Les pêcheurs, qui subissent en plus la concurrence des poissons importés (deux tiers de la consommation locale), sont obligés de trouver d'autres sources de revenus. Comme l'entretien des filets antisargasses, ces algues brunes qui déferlent sur les rivages caribéens.


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