Le défi de l'insertion pour sortir de la misère

Dans la petite cour séparant les bâtiments de l'association mahoraise Kaja Kaona, oeuvrant pour l'insertion dans ce territoire particulièrement pauvre, deux jeunes hommes assemblent des tuyaux. "C'est le futur décor de la pièce de théâtre", indique Fataoui, animateur de l'atelier, avant de récupérer du matériel. Un peu plus loin, quatre jeunes filles sont installées sur des bancs, devant une table basse couverte d'ustensiles de cuisine. Avec une baguette en bois, Anstuya crée des motifs sur les flancs de la planche à découper qu'elle vient de confectionner.   

"Je viens ici presque tous les jours", confie la jeune fille de 20 ans qui habite à quelques pas, à Tsoundzou 1, dans le sud de Mamoudzou. "Ca fait un an que je suis sortie de l'école. J'ai fait un CAP Petite Enfance mais je n'ai pas de papier, je ne peux pas travailler", poursuit la jeune femme, qui vient "pour s'occuper" mais surtout "pour apprendre et découvrir de nouvelles choses".  

Kaja Kaona accueille 350 bénéficiaires de 16 à 30 ans, parmi lesquels autant de personnes sans papier que de Mahorais. "Pour la plupart, c'est trop compliqué de passer de la fin des études au premier emploi. On est là pour les accompagner, valoriser leur savoir-faire et leur donner confiance en eux", confie Aurore Neel, une des co-fondatrices de l'association.   

En parallèle, Kaja Kaona met aussi en place des chantiers d'insertion, dans le BTP ou l'agriculture notamment. Les fruits et légumes cultivés servent à alimenter un atelier cuisine qui nourrit chaque jour les bénéficiaires de l'association.   

"L'idée est de permettre aux jeunes de monter en compétences. Ils sont généralement extrêmement éloignés de l'emploi. L'enjeu est donc de leur permettre de mettre un pied dans la vie active", reprend Aurore Neel.   

Djamardine Mohamed faisait partie de ces jeunes sans perspective jusqu'à ce qu'il co-fonde Kaja Kaona, en 2017.   "En 2015, j'avais fini l'école, je n'avais pas de papier et je tournais en rond", confie-t-il: "Avec des amis, on a décidé de créer cette association. Petit à petit, je suis devenu animateur pour transmettre ce que j'avais appris et depuis novembre 2023, je suis salarié".    

- Trop de demande -    

Mais si ces initiatives portent leurs fruits, leur nombre est trop faible au regard des besoins.   "Il pourrait y avoir cinq ou dix Mlezi Maore, ça ne serait pas suffisant", selon Anne Scheuber, directrice générale adjointe de Mlezi Maore, la principale association caritative de Mayotte, qui accueille "2.000 bénéficiaires par an" via des chantier d'insertion. Avec notamment un garage solidaire, au centre de l'île, où des jeunes apprennent la mécanique. Car la moitié des habitants de Mayotte a moins de 18 ans, selon l'Insee, et quatre jeunes sur 10 âgés de 15 à 29 ans ne sont ni en emploi ni en formation. Entre 20 et 29 ans, cette proportion monte même à six sur dix, souligne l'Institut statistique.   

Au-delà de l'insertion, ces associations permettent à ces jeunes de reprendre confiance et d'apaiser les tensions entre des villages parfois ennemis. Nayma, qui lutte contre la prolifération des déchets, emploie ainsi 150 jeunes de Majicavo et Koungou, deux villages du nord de l'île réputés "ennemis", explique Abdou Soilihi Ridhoi, un responsable de l'association.   

Pour Mohamed Saïd, 20 ans, impossible d'habitude de mettre un pied à Koungou. "Avec Nayma, il n'y a pas de problème. Et ça permet de créer du lien entre nous, même si on n'habite pas au même endroit", confie le jeune homme originaire de Majicavo, sac poubelle à la main sur une plage de Koungou.   

A force de voir des jeunes désoeuvrés sur le chemin du travail, Antoy Abdallah a lui aussi créé son association, qui apprend à ceux qui le souhaitent à cultiver des fruits et des légumes pour "offrir des compétences monétisables à ces jeunes sans perspectives". Son association s'appelle Nari Vouké : "Ca veut dire réussir" en langue shimaoré, précise Antoy Abdallah: "Et c'est ce qu'ils veulent".


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